Budget : l'austérité (...)

Budget : l’austérité en stuc

Le premier volet du plan de resserrement budgétaire déclenche récriminations et polémiques. Il ne lève pourtant que quelques recettes de poche, visant à compenser la faiblesse conjoncturelle. Quand viendra l’austérité authentique, les marchands de mouchoirs feront fortune. Car ce plan n’est qu’un simulacre de rigueur. Un décor pré-électoral.

A la suite des mesures récemment décidées par le Gouvernement, visant à saper la montagne de déficits publics, les débats picrocholins se multiplient, tant au sein de la corporation des économistes que parmi les factions politiques. Il convient donc, d’emblée, de clarifier les faits : notre Président a raison de clamer qu’il ne s’agit pas d’un plan d’austérité. L’austérité, la vraie, celle qui est nécessaire si l’on veut (ou que l’on doit) bloquer l’emballement de notre endettement, viendra après la présidentielle, quel que soit l’élu (parmi les candidatures déclarées ou probables). Le plan en question repose exclusivement sur des considérations politiques : ne serrer la vis qu’au minimum nécessaire afin de ne pas trop indisposer le pékin, et laisser l’Opposition s’enferrer dans des programmes d’opérette, se différenciant principalement par… des dépenses supplémentaires. La Majorité aura ainsi beau jeu de taxer ses challengers de dangereux irresponsables, insoucieux d’une saine gestion – ainsi nommée celle qui ne charge pas les générations futures d’un fardeau insupportable et qui protège le « trésor national » (selon Alain Minc) que représente la notation AAA.

A ce jour, toutes les factions, des plus importantes au plus groupusculaires, raisonnent sur le même paradigme, celui qui a longtemps fait tourner le vieux monde, lequel est maintenant en voie de péremption. Dans ce système, et eu égard aux contraintes qui pèsent sur le pays, il n’y a pas d’alternative possible à la stratégie du désendettement public, programmé sur une période suffisamment courte pour pouvoir « mériter » l’accès au marché des capitaux dans des conditions acceptables (c’est-à-dire à des taux non usuraires). De ce fait, il n’y a pas de « programme d’opposition » possible, entendons par là qu’aucune proposition raisonnable ne peut s’écarter, autrement qu’à la marge, de la feuille de route imposée : dans notre géométrie, par un point donné ne passe qu’une seule parallèle à une droite. D’évidence, nos professionnels de la politique sont prisonniers de leur modèle euclidien, qui n’offre qu’une issue aux embarras des temps présents : la paille de fer sur une très longue période, sans certitude d’atteindre l’objectif dans des délais supportables, c’est-à-dire avant que l’exaspération des populations ne mette en péril la stabilité sociale. La campagne présidentielle qui s’annonce est d’ores et déjà pourvue de solides œillères et promet ainsi d’atteindre des sommets inégalés dans l’affliction…

Illusion de rigueur

En attendant, les critiques formulées à l’égard du « plan » gouvernemental sont à la fois fondées et empreintes d’une dose robuste de mauvaise foi, tant de la part des politiques que des secteurs d’activité concernés. Le Premier ministre a opportunément rappelé qu’au-delà de 85% du PIB, la dette publique devient un cancer quasiment inguérissable. C’est exact, mais nous avons déjà franchi la ligne rouge et l’accumulation à venir de nouveaux déficits va aggraver la situation : la perte de notre Triple A relève donc de la certitude – d’autant que le caractère homéopathique des mesures envisagées (par rapport à la nécessité technique de revenir rapidement à l’équilibre budgétaire), ralentit notre hypothétique convalescence. Les nouvelles ressources attendues (12 milliards jusqu’en fin 2012) correspondent simplement à la correction des perspectives de croissance sur lesquelles ont été établies les prévisions budgétaires : il n’y a donc pas d’accélération dans le processus de désendettement. Bon nombre d’Etats européens ont déjà adopté des mesures infiniment plus rigoureuses que les nôtres (mais il est vrai qu’ils n’ont pas d’élections l’année prochaine) ; les voisins concernés, harcelés par les marchés financiers, souffriront donc un peu plus tôt que nous. Mais au fond, il n’est pas certain que le répit qui nous est ainsi offert soit préjudiciable à nos intérêts : on l’a dit et on le répète, le monde entier ne parviendra pas à préserver le modèle sur lequel nous fonctionnons depuis environ deux siècles : pour résorber l’énorme masse de dettes qui nous asphyxie, il faudrait une vague planétaire et durable de croissance très vigoureuse. C’est impossible, tant par le poids de l’endettement historique que par la rareté relative des ressources naturelles. Dans ce schéma de quadrature du cercle, autant attendre que tout le monde soit dans la mouise, sans s’adonner au masochisme de douleurs précoces…

Quant aux activités touchées par un surcroît de taxation, les braiements sont superflus : c’est le consommateur qui paiera la note (boissons sucrées, tabac, mutuelles). La majoration des prélèvements sur les produits financiers et immobiliers concerne à peine moins de citoyens ; mais bon, reconnaissons que ces taxations étaient naguère beaucoup plus élevées. L’arasement des niches fiscales touchera surtout les classes moyennes, celles qui proportionnellement supportent l’impôt sur le revenu le plus élevé. Quant aux « hauts revenus », étalonnés à un minimum de 500 000 euros annuels, la tartuferie de leur appel à une contribution plus lourde a été exaucée, avec la même hypocrisie de la part du gouvernement : 3% d’impôt « exceptionnel » sur ce qui dépasse le seuil, ce n’est pas véritablement assassin… Pour mémoire, il est bon de rappeler que pendant le « New Deal », institué par Roosevelt aux Etats-unis, pour faire face aux conséquences de la « Grande crise », la dernière tranche du barème d’imposition s’élevait à 90%. Nous avons donc encore pas mal de marge dans l’austérité.

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