Fiscalité de l'urbanisme

Fiscalité de l’urbanisme : tout a changé ! Êtes vous prêts ?

  • le 10 mai 2011

De nombreuses taxes et participations sont exigibles lors d’une construction ou d’un aménagement urbain. Leur but : financer les équipements publics rendus nécessaires par l’urbanisation (voirie, réseaux…). Ce dispositif sophistiqué de la fiscalité de l’urbanisme vient d’être totalement refondu par une loi du 29 décembre 2010. Les changements sont importants pour les collectivités locales et les constructeurs ou aménageurs.

La réforme simplifie le dispositif en supprimant une dizaine de contributions différentes : notamment, la taxe locale d’équipement (TLE), la taxe départementale de financement des conseils d’architecture d’urbanisme et d’environnement (TDCAUE), la taxe départementale des espaces naturels sensibles (TDENS), la participation au titre des programmes d’aménagement d’ensemble (PAE)… Elles sont remplacées par une taxe unique : la Taxe d’Aménagement (TA).

Taxe d’aménagement : le principe du « bénéficiaire-payeur » instauré

Le taux de la nouvelle taxe sera de 2,5% (part départementale) et 1% (part communale ou intercommunale). Mais, à la différence de la TLE, les collectivités pourront fixer des taux de TA différents, entre 1 et 5%, selon les secteurs, pour tenir compte des besoins réels d’équipement de la zone concernée.

En outre, en cas de besoins d’équipements importants dans la zone (travaux substantiels de voirie ou de réseaux, aménagement d’une nouvelle zone), la collectivité pourra fixer un taux majoré de TA pouvant aller jusqu’à…20 %. La TA devient clairement un outil d’application du PLU (Plan local d’urbanisme ). Ce procédé sera certainement plébiscité par les communes, mais il ne supprime pas l’intérêt de la Zone d’aménagement concerté (ZAC) ou du projet urbain partenarial (PUP) qui présentent l’avantage de faire préfinancer les équipements par l’aménageur, et donc d’éviter à la collectivité d’avancer le prix des investissements.

La charge financière de la TA majorée va assurément se répercuter, dès maintenant, sur les prix de vente des terrains. Et donc conduire à un principe, apparemment juste, selon lequel les propriétaires de terrains situés dans des zones destinées à être aménagées participeront au coût de ces aménagements. S’instaure ainsi le principe du « bénéficiaire-payeur » plutôt que celui de la mutualisation, qui faisait payer autant ceux qui construisent dans des zones déjà équipées que ceux construisant dans des zones nouvelles nécessitant d’importants travaux.

Sans entrer dans les détails, le régime de la taxe d’aménagement diffère de celui de la TLE. Son champ d’application s’élargit : certaines opérations qui nécessitent des équipements mais échappaient à la TLE (parkings, campings, piscines, éoliennes, etc…), seront désormais taxées. Certains ouvrages sont exonérés de manière automatique (certaines constructions agricoles, bâtiments de moins de 5m²…), ou facultative (logements sociaux, locaux commerciaux de moins de 400 m²...).

Alors que la TLE était calculée, de manière compliquée, en fonction de la SHON (surface hors œuvre nette), la TA se calcule sur toutes les surfaces de planchers closes, couvertes et d’une hauteur sous plafond de plus de 1,80m, « à partir du nu intérieur des façades ». Les caves, sous-sols, garages sont désormais intégrés dans la base de calcul.

La base imposable repose sur une valeur unique : 660 euros / m² en province, avec parfois un abattement de 50 % (logement social, 100 premiers m² des résidences principales, locaux industriels ou commerciaux non ouverts au public…). Pour certains ouvrages, une base imposable forfaitaire est fixée : 2 000 euros / m² pour les parkings non couverts, 3 000 euros par éolienne ou emplacement de camping…. Ensuite, sur ces bases, la collectivité locale appliquera le taux de taxe fixé. Par exemple, dans un secteur taxé à 5 %, pour la construction d’une résidence principale de 150 m² (garage inclus), la part communale sera taxée à 3 300 euros

100m² x 50% + 50m²) x 660 euros = 66 000 euros x 5%

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Officiellement, la réforme doit s’opérer à fiscalité constante. Théoriquement, la pression fiscale globale ne devrait donc pas augmenter du fait de cette réforme, afin de ne surtout pas ralentir la production de logements. Le doute est toutefois permis et il conviendra de tirer le bilan après quelques années de recul.

Trois échéances prévues

La réforme s’appliquera de manière progressive, selon trois échéances.

1ère échéance : les collectivités doivent délibérer, avant le 30 novembre prochain, pour fixer le taux de la nouvelle taxe d’aménagement pour 2012. Cependant, pour « sauver » les communes distraites qui n’auraient pas délibéré dans le délai, la loi instaure la TA de plein droit pour les communes ou communautés urbaines dotées d’un PLU ou POS (Plan d’occupation des sols), mais au taux de base de 1% seulement... La taxe est cependant facultative, les communes peuvent donc renoncer à la percevoir.

2ème échéance : la TA s’appliquera aux demandes d’autorisations d’urbanisme déposées à compter du 1er mars 2012. Simultanément, la TLE, la TDCAUE, la TDENS disparaissent, de même que la participation aux équipements publics dans le cadre des PAE (devenue inutile puisque les collectivités pourront pratiquer des taux de TA différents par secteur).

3ème échéance : à compter du 1er janvier 2015, plusieurs autres taxes seront supprimées et remplacées par la TA : notamment la PVR (participation pour voiries et réseaux), la PRE (raccordement à l’égoût) et la participation pour non réalisation d’aires de stationnement (PNRAS).

Pendant cette période transitoire 2012-2015, les collectivités devront choisir : soit cumuler ces participations avec la TA, soit adopter un taux majoré de TA (entre 5 et …20 % !), dans les secteurs à urbaniser.

Réduire l’étalement urbain

Un autre objectif de la réforme est de « verdir » la fiscalité, en offrant un outil fiscal d’incitation à la densification. A cette fin, la loi crée le « Versement pour sous-densité » (VSD). Les communes auront la possibilité de taxer la sous-utilisation du potentiel foncier. En d’autres termes, si la construction n’est pas assez importante par rapport à la taille du terrain, le propriétaire sera pénalisé. Le but est d’encourager la densification des zones urbanisées, afin de réduire l’étalement urbain qui grignote les espaces naturels ou agricoles.

Enfin, la loi épargne certaines participations, notamment la participation pour équipements publics exceptionnels (PEPE), mais les réformes s’enchaînent, et l’on attend déjà la modification du financement du projet urbain partenarial, ainsi que celle de la redevance d’archéologie préventive (RAP), dont la base de calcul est déjà modifiée.

Par Paul-Guillaume Balaÿ, avocat au Barreau de Lille

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