Grèce : d'une crise à (...)

Grèce : d’une crise à l’autre ?

La Grèce est à nouveau sous les feux des projecteurs en raison de la nette victoire du parti d’extrême gauche Syriza aux élections législatives du 25 janvier. Or, ce parti s’était fait connaître en 2012 par son refus de l’austérité et sa volonté d’abandonner l’euro…

En 2009, un secret de polichinelle fut éventé en Grèce : le déficit public s’élevait à 12,9 % du PIB et la dette publique tutoyait les 115 % du PIB, bien loin des limites fixées par le Pacte de stabilité (3 % du PIB pour le déficit public et 60 % pour la dette) et des chiffres publiés officiellement.

Ces déséquilibres financiers abyssaux résultaient d’une gestion calamiteuse et clientéliste de l’État, d’une fraude fiscale généralisée et d’une économie souterraine qui pesait 20 % du PIB !

L’État grec s’est alors retrouvé dans l’incapacité de faire face au service de sa dette publique, car le taux d’intérêt sur ses obligations à 10 ans est passé de 5 % en 2009 à plus de 35 % en 2012 ! Il s’est donc résolu à demander l’aide de l’Union européenne, qui pour le coup s’est associée avec le FMI (Fonds monétaire international) et la BCE (Banque centrale européenne) dans le cadre de ce que l’on appelle la Troïka.

Une aide avec contrepartie

Depuis mai 2010, la Troïka a alloué 240 milliards d’euros à la Grèce pour faire face à ses obligations, dans le cadre de deux plans d’aide dont la contrepartie a été une austérité drastique pour remettre les finances publiques d’équerre : baisses de salaires, hausses d’impôts, coupes claires dans la sécurité sociale et privatisations massives.
Et lorsqu’en 2014, l’Allemagne a évoqué l’hypothèse d’un troisième plan d’aide, le gouvernement grec l’a repoussé en annonçant sa volonté de quitter au plus vite l’actuel plan d’aide, afin de retrouver des marges de manœuvres dans sa gestion d’une économie atrophiée et éviter l’explosion sociale due aux politiques de rigueur. Las, ses déclarations n’auront servi qu’à crisper les marchés et à augmenter les taux d’intérêt sur la dette. Disons-le par conséquent clairement : la Grèce est depuis 2010 sous perfusion financière de la Troïka et n’est donc plus un État autonome.

La Grèce va toujours mal…

Malgré une restructuration, en 2012, de près de 50 % de la partie de sa dette publique détenue par les créanciers privés, le pays a vu sa dette publique croître de 157 % du PIB en 2012 à 177 % aujourd’hui ! Dès lors, avec un PIB qui a chuté de près de 20 % depuis 2009, comment peut-on accorder quelque crédit à l’hypothèse du FMI d’un retour de ce ratio à 120 % d’ici 2020 ? Et ce d’autant plus que le poids de la dette publique, cumulé à l’ampleur des mesures d’austérité, conduit à réduire le potentiel de croissance du pays, ce qui alourdit encore le poids de la dette publique... Bref, l’économie grecque est dans un cercle vicieux dépressif, car depuis le début il y a eu erreur de diagnostic : la Grèce fait face à une insolvabilité et non pas une crise de liquidités ! Même le FMI a depuis fait son mea culpa sur sa gestion de la crise grecque…

La fin de l’État providence

Ce sont malheureusement les ménages des classes modestes et moyennes qui paient le plus lourd tribut à cette situation dégradée, puisque les réformes structurelles ont débouché sur de nombreux licenciements de fonctionnaires et une baisse de 24 % des salaires, depuis quatre ans. Le taux de chômage est lui en très léger repli, mais toujours à un niveau insoutenable de 25,8 % de la population active dans son ensemble et à plus de 50 % pour les jeunes !
Les Grecs vivent donc désormais dans une incertitude radicale du lendemain, car la perte de l’emploi conduit à la perte de la couverture santé. Il n’est donc pas étonnant que plus d’un quart de la population ne bénéficie plus de couverture sociale en Grèce. Quant au système de santé, il est en lambeaux : hôpitaux publics débordés et exsangues, hausses des infections par le VIH, explosion des suicides et de la mortalité infantile, etc.

Syriza, une chance de sortie de la crise ?

Bien que Syriza n’évoque plus une sortie de l’euro, cette éventualité n’est pas à exclure si la BCE décide de couper les liquidités au pays, par exemple pour forcer le gouvernement à accepter certaines réformes, comme ce fut le cas pour l’Irlande ou Chypre. Mais le principal point d’achoppement sera l’annulation substantielle de la dette publique qui s’élève à 320 milliards d’euros. C’est certes la seule manière de répondre à l’insolvabilité du pays, mais qui peut conduire à une grave crise en Europe, car la dette publique est détenue à 85 % par les États membres de la zone euro.

Or, si le bon diagnostic d’insolvabilité avait été posé quatre ans auparavant, ce sont les banques qui auraient payé l’essentiel des pertes.

Hélas, maintenant ce sont les contribuables européens qui risquent de payer la note : 48 milliards d’euros en France et 64 en Allemagne !

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