La BCE repasse à l'action,

La BCE repasse à l’action, mais déçoit les marchés !

La décision de la Banque centrale européenne, le 3 décembre, d’assouplir une nouvelle fois sa politique monétaire témoigne de sa difficulté à faire remonter le taux d’inflation à 2 %.

Malgré la mise en œuvre, début 2015, d’une politique d’assouplissement quantitatif (quantitative easing), le taux d’inflation annuel de la zone euro reste désespérément éloigné de son objectif de moyen terme de 2 %, puisqu’il s’est établi à +0,1 % en octobre 2015, contre +0,4 %, à la même période de 2014. L’inflation sous-jacente, c’est à dire celle qui exclut les composantes les plus volatiles comme l’énergie ou l’alimentation, reste elle-aussi à un niveau très bas, en raison notamment des faibles hausses des coûts salariaux unitaires. Pire, de nombreux Etats membres de la zone euro ont désormais un taux d’inflation négatif, et certaines économies, comme la Grèce, sont déjà entrées dans une spirale déflationniste. Face à ce constat alarmant, le président de la BCE, Mario Draghi, vient d’annoncer un nouvel assouplissement de la politique monétaire.

Renforcement de la politique monétaire non conventionnelle

En période de fonctionnement normal de l’économie, les Banques centrales atteignent leurs objectifs grâce à des politiques monétaires conventionnelles basées essentiellement sur l’utilisation des taux directeurs. Or, actuellement, le principal taux directeur de la BCE est fixé à 0,05 %, ce qui laisse peu de marge. D’où l’utilisation de politiques monétaires non conventionnelles, comme le quantitative easing, qui consiste, pour la BCE, à acheter des titres sur les marchés en créant la monnaie nécessaire. Et c’est ce programme qui a été en particulier renforcé : prévu pour durer initialement de mars 2015 à septembre 2016, celui-ci s’étendra jusqu’en mars 2017 et verra la BCE poursuivre ses achats d’actifs (60 milliards d’euros tous les mois), essentiellement des dettes des Etats, mais désormais aussi des dettes des collectivités régionales et locales de la zone euro. En outre, le taux de dépôt auprès de la BCE sera abaissé de - 0,20 % à - 0,30 %, ce qui revient à taxer encore plus fortement les banques qui déposent leurs liquidités à la Banque centrale au lieu de les prêter à l’économie réelle.

La transmission défaillante de la politique monétaire

Traditionnellement, la transmission de la politique monétaire à l’économie réelle se fait au travers de quatre canaux principaux : le crédit bancaire, le taux de change, les effets de richesse et les primes de risque. Or, bien que les taux d’intérêt soient très bas, la reprise du crédit demeure modeste dans la zone euro, en raison principalement du niveau encore élevé de l’endettement des ménages et de l’autofinancement croissant des investissements par les entreprises.
En ce qui concerne la dépréciation de l’Euro, qui a fait suite à l’annonce du premier assouplissement quantitatif, celle-ci a certes conduit à de l’inflation importée, mais les prix finissent par rester étales une fois le taux de change stabilisé. Quant aux effets de richesse – hausses de la consommation et de l’investissement liées à la très forte augmentation du prix des actifs –, ils sont beaucoup plus faibles en Europe qu’aux États-Unis. Enfin, en raison de l’aversion au risque des investisseurs, les primes de risque sur les actifs autres que publics n’ont pas baissé, comme l’escomptait la BCE, ce qui freine le financement des entreprises.
Au total, aucun des canaux traditionnels ne permet à la politique monétaire expansionniste menée par la BCE d’influencer efficacement l’économie réelle (marchés des biens et services, marché du travail), pour provoquer la hausse tant désirée du taux d’inflation. C’est bien du reste la leçon de l’assouplissement quantitatif lancé au Japon, qui n’a pas empêché l’économie de retomber en récession, en raison de salaires qui n’augmentent pas et d’impôts qui évoluent trop vite à la hausse.

La BCE condamnée à toujours en faire plus ?

Hélas, la BCE, bien que consciente de cela, s’est retrouvée face à un choix kafkaïen : annoncer un nouvel assouplissement de sa politique monétaire, avec peu d’effets à la clé, ou y renoncer et créer dès lors une panique sur les marchés financiers, qui ont déjà partiellement intégré, depuis quelques semaines, dans leurs prix, l’annonce de ces mesures. Dès lors, la Banque centrale risque d’être condamnée à toujours surprendre les marchés, ce qui suppose d’assouplir, chaque année, un peu plus sa politique monétaire, notamment en augmentant le volume des liquidités injectées dans l’économie, sous peine de voir dégringoler les marchés, comme ce fut le cas après les annonces de la BCE de ce 3 décembre. Pourtant, les opérateurs de marché connaissent bien les risques associés à une politique monétaire trop expansionniste : baisse artificielle des taux des obligations publiques, hausse de la volatilité sur les marchés, formation de bulles financières, etc.
En définitive, cela démontre que la politique monétaire ne peut pas tout et qu’elle doit nécessairement être accompagnée d’une politique budgétaire coordonnée au niveau européen !

Photo de Une : Crédit : AFP / DANIEL ROLAND

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