Patrimoine cherche (...)

Patrimoine cherche refuges

  • le 13 septembre 2011

Les préoccupations patrimoniales n’affectent pas seulement l’individu ordinaire. Les grosses fortunes et les Etats cherchent à se protéger de bouleversements de plus en plus probables. Ce qui provoque une forte pression sur les beaux immeubles, le métal précieux, les ressources naturelles et les réserves foncières. Une bulle ?

Dommage que l’activité du pays ne progresse pas au rythme du prix des immeubles parisiens. Avec une nouvelle révision à la baisse des perspectives de croissance, le réajustement fiscal que vient de voter l’Assemblée n’est déjà plus en phase avec les prévisions gouvernementales. Si le Sénat est cohérent, il ajustera le tir par quelques amendements rigoureux, qui nous rapprocheront un peu plus de l’austérité, cet état qui se généralise à l’Europe entière. Ainsi, le mètre carré parisien semble démentir à la fois la mollesse conjoncturelle et l’appauvrissement du pékin : 22,5% de hausse sur un an, voilà un record qui n’avait pas été égalé depuis longtemps. Faut-il croire que les Parisiens sont exempts des embarras du moment ? Tel n’est semble-t-il pas le cas : la plupart des candidats à l’accession à la propriété sont totalement évincés du marché intra muros. Avec un prix moyen supérieur à 8 000 euros le mètre carré, un appartement de taille raisonnable n’est pas à la portée de toutes les bourses. Pourtant, les économistes qui s’intéressent au secteur prétendent qu’il n’y a pas de « bulle » et sans doute n’ont-ils pas tort, même s’ils invoquent des raisons critiquables. Paris est considérée comme une valeur-refuge : ils sont nombreux, résidents français ou étrangers, qui cherchent aujourd’hui à protéger leurs capitaux des risques – considérables – qui pèsent sur la fortune financière. Ils n’hésitent pas à payer « trop cher » des valeurs réputées sûres en cas de naufrage des monnaies ou de krach boursier, deux hypothèses dont la probabilité s’accroit en phase avec le désarroi palpable des autorités.

Le raisonnement des acheteurs d’immeubles prestigieux ou de métal précieux est simple : ou bien l’austérité programmée est respectée et elle provoquera une méchante récession, acculera bien des Etats au défaut de paiement et enverra l’euro au tapis ; ou bien l’ascèse sera politiquement intenable et on ouvrira en grand les vannes monétaires, avec le risque d’hyperinflation qui y est attaché. Dans les deux cas, le résultat est le même : les actifs réels dotés d’une certaine rareté conservent une valeur marchande, quelle qu’elle soit. Seul le timing diffère entre l’un et l’autre de ces scénarios. En revanche, les actifs financiers (cash, monétaire et obligataire) subissent alors une forte dépréciation. Pour les entreprises, c’est toujours le schéma de la récession qui est le plus douloureux. Aujourd’hui, il est exact que la Bourse valorise quelques grandes firmes à une fraction de leur cash flow, ce qui semble paradoxal. Sauf que le haut de bilan desdites sociétés est souvent suspect : les actifs incorporels comptabilisent en particulier les écarts d’acquisition (le « goodwill »), quelquefois pour des montants astronomiques, alors qu’ils représentent une valeur non marchande, une richesse hypothétique et dans pas mal de cas largement fictive…

La quête de « civettes »

On ne s’étonnera donc pas si les gros détenteurs de créances en devises, comme la Banque centrale chinoise, essaient de se défausser de leur papier (des dollars, au cas d’espèce, pour un montant d’environ 3 000 milliards). Voilà pas mal de temps que les autorités pékinoises encouragent leurs entrepreneurs à investir… à l’étranger. Ce qui provoque quelques crispations dans les chancelleries, qui marquent une propension à soupçonner des intentions politiques là où il faut surtout voir une démarche de mercanti. Familiers de la prestidigitation comptable, les Chinois ne se laissent pas éblouir par le strass d’un bilan : ce sont des acheteurs redoutables, qui raisonnent en ferrailleurs pour la valeur d’une entreprise (au kilo d’actifs réels). Et escomptent un retour sur le capital très rapide. Peut-être leurs ambitions ont-elles été revues à la baisse, compte tenu de l’empressement officiel à faire fondre le magot de bons du Trésor américain. Mais il faut bien constater que les investissements chinois se concentrent sur des « civettes » : les infrastructures, les ressources naturelles, le foncier. On exclut ici les investissements relevant du patrimoine privé (les immeubles et l’or, qu’ils achètent avec frénésie).

La dernière en date des opérations soulevant quelques interrogations, et autant d’inquiétudes chez les autochtones, est projetée en… Islande. Un magnat de l’immobilier chinois, autrefois attaché au ministère de la Propagande, propose d’acquérir un espace de 30 000 hectares au nord-est de l’Ile (près de Vatnajökull, le plus grand glacier du monde). Cela représente un territoire considérable (équivalent à la Guadeloupe) par rapport à la taille du pays. L’intention de l’investisseur est d’y implanter un hôtel de luxe et un golf. Un point c’est tout. Si la totalité du terrain est affecté à la pratique sportive, il faudra aux golfeurs un hélicoptère pour passer d’un trou à un autre… L’Islande est à ce point fauchée qu’elle devrait accepter les 8 millions d’euros qui sont offerts pour le terrain : ça ne fait pas cher l’hectare, il est vrai, mais il n’y pousse que des cailloux. Le tout assorti de promesses d’équipement pour un global de 100 millions. Là, le retour sur investissement risque d’être un peu plus lent que d’habitude. Si bien que les esprits soupçonneux ont peut-être raison d’imaginer un autre objectif à l’opération : ouvrir à terme un comptoir maritime, sur une nouvelle route vers les Etats-Unis par l’Atlantique nord, dans l’expectative d’une fonte massive des glaces de l’Arctique. Dans ce cas, le réchauffement climatique pourrait rapporter gros.

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