Réforme de la fiscalité

Réforme de la fiscalité du patrimoine : des stratégies à repenser

Analyse, après leur présentation dans un précédent article, des principales mesures réformant la fiscalité du patrimoine dont l’esprit vise à rééquilibrer les modalités d’imposition des hauts patrimoines, en allégeant la taxation de leur détention pour durcir celle de leur transmission.

Suppression du bouclier fiscal

Le bouclier fiscal s’appliquera pour la dernière fois aux revenus réalisés en 2010, ce qui revient à y mettre un terme à compter de 2013. Les redevables de l’ISF en 2011 peuvent déposer une demande de restitution au plus tard le 29 septembre prochain ou auto-liquider leur créance en l’imputant sur le montant de l’impôt. Pour 2012, seule l’auto-liquidation sera possible et l’éventuel reliquat imputé sur l’ISF des années suivantes.

Aménagement de l’ISF

La loi assouplit les règles de réduction d’ISF applicable en cas de souscription au capital d’une PME :

- la société concernée doit compter au moins deux salariés à la clôture de son premier exercice. Pour les souscriptions réalisées depuis le 1er janvier 2011, la société a désormais jusqu’à la clôture de l’exercice suivant la souscription pour remplir cette condition ;

- la réduction d’impôt n’est pas remise en cause en cas de cession forcée des titres d’un associé minoritaire et résultant d’un pacte d’actionnaires, dès lors que le produit de cession est affecté dans les douze mois à une nouvelle souscription dans une PME. Désormais, le réinvestissement est limité au prix de cession diminué des impôts générés par la cession.

La réforme assouplit également la définition des biens professionnels exonérés d’ISF :

- elle légalise la doctrine administrative qui admettait que plusieurs activités soumises à l’impôt sur le revenu (entreprises individuelles, sociétés de personnes) constituent un unique bien professionnel dès lors qu’elles sont similaires, connexes ou complémentaires ;

- les conditions qui permettent de qualifier de biens professionnels des titres de sociétés soumises à l’IS sont allégées. Ainsi, le seuil de détention minimal de 25% s’apprécie au regard des seuls droit de vote. En outre, en cas d’activités multiples, les titres peuvent être considérés comme un bien professionnel unique lorsque chaque participation prise isolément satisfait aux conditions légales. Enfin, les rémunérations des dirigeants peuvent être globalisées pour apprécier si elles représentent plus de la moitié des revenus professionnels.

Ces mesures devraient permettre d’éviter la constitution de groupes ne répondant pas toujours à un besoin économique mais qui étaient la condition indispensable à la qualification de bien professionnel.

Durcissement de la fiscalité de la transmission du patrimoine

Adoptée initialement pour favoriser les transmissions familiales, la loi TEPA ( en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat) de 2007 voit beaucoup de ses mesures phares remises en cause. Ce retour en arrière est justifié par le fait que la majorité des Français peut désormais transmettre une partie importante de son patrimoine en franchise d’impôt. Il est vrai que l’augmentation des abattements sur les droits de mutation y contribue largement (159 325 euros, par parent et par enfant, en 2011).

En réalité, la réforme affecte peu la transmission du patrimoine professionnel. Sous réserve de respecter le régime complexe des pactes Dutreil (d’ailleurs un peu assoupli), les droits sociaux peuvent toujours être exonérés de droits de mutation à hauteur de 75% de leur valeur. Et certaines donations d’entreprise bénéficient toujours d’une réduction de 50% du montant des droits.

C’est donc surtout la transmission du patrimoine non professionnel qui est directement touchée et va nécessiter de repenser certaines stratégies mises en place. La transmission devra être encore plus anticipée pour tenir compte de l’allongement à dix ans du délai de rappel des donations antérieures ou du coût de la transmission qui, globalement, s’accentue.

Certaines techniques se trouveront dès lors incontournables. Ainsi, par exemple :

- le démembrement de propriété, déjà très pratiqué, qui consiste à dissocier l’usufruit et la nue-propriété d’un bien, seule cette dernière étant transmise à un coût réduit ;

- le quasi-usufruit qui permet à l’usufruitier de disposer pleinement d’un bien comme s’il en était propriétaire, tout en devenant redevable à l’égard du nu-propriétaire d’une "créance de restitution" à valoir dans sa succession ;

- la société civile qui est un formidable outil permettant notamment, avec beaucoup de souplesse, de conserver le contrôle sur les biens transmis (par exemple, en présence de jeunes enfants) ;

- le saut de génération qui, lorsque c’est possible, doit être favorisé en recourant à des outils encore peu connus mais bénéficiant d’une fiscalité favorable : donations transgénérationnelles (permettant de consentir une donation-partage à des générations différentes), graduelles (obligeant le donataire à conserver le bien donné et à le transmettre à son décès à une autre personne désignée) ou résiduelles (obligeant le donataire à transmettre ce qu’il reste du bien donné à une autre personne) ;

- l’aménagement des droits du conjoint survivant, toujours exonéré de droits de succession, par l’adaptation de son régime matrimonial, l’établissement d’une donation entre époux ou d’un testament, dans le but ultime de préparer sa succession "sur mesure" ;

- l’assurance-vie qui reste un excellent vecteur de transmission de capitaux par son régime juridique et fiscal dérogatoire et attractif.

Si cette réforme est importante, c’est sans compter sur les mesures proposées récemment pour réduire notre déficit. Certaines affectent directement le patrimoine : rabot sur les niches fiscales, augmentation des prélèvements sociaux ou taxation des plus-values immobilières. En supposant que la situation ne devrait pas aller en s’améliorant, il nous faut donc plus que jamais composer avec l’instabilité fiscale ambiante, revoir nos stratégies et leur assurer souplesse et réversibilité.

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