Réunion CJEC/ANECS : (...)

Réunion CJEC/ANECS : Pour Adrian Borbély médiateur : " Dans l’entreprise, le conflit est partout !"

La vie de l’entreprise n’est pas un long fleuve tranquille ! Les conflits en entreprises peuvent très vite freiner le développement de la société.

Un conflit entre associés ou impliquant un ou plusieurs salarié(s), avec une autre entreprise ou avec l’administration, sur un chantier ou dans la vie de tous les jours, etc. Dans de telles situations, le chef d’entreprise peut vite se trouver bloqué, et parfois être obligé de recourir à des procédures judiciaires qu’il ne maîtrise pas et qui peuvent lui coûter cher.

Le CJEC Côte d’Azur Corse et l’ANECS Côte d’Azur, qui proposent tout au long de l’année des réunions d’informations aux jeunes professionnels du Chiffre, ont organisé mardi dernier une réunion d’information sur la médiation professionnelle. Objectif ? Proposer aux experts comptables qui sont en lien direct avec leurs clients entrepreneurs au quotidien des outils pour les conseiller lorsqu’ils sont confrontés à un différend.

Mariem Mimouna présidente du CJEC et Romain Charroud président de l’ANECS avaient invité un spécialiste de la question pour intervenir, dans les locaux de la Commission Administrative. Adrian Borbély, Professeur en négociation à l’IESEG School of Management et médiateur, est venu évoquer son métier, son application pratique dans le monde de l’entreprise et sa passion pour ces négociations parfois « de la dernière chance » !
Sylvie Roulle présidente de la Commission Administrative de l’Ordre des experts comptables a accueilli la vingtaine de participants et a assisté à l’intervention dynamique et participative d’Adrian Borbély.
Cette réunion fut l’occasion d’échanges passionnants sur la médiation et a contribué à donner aux experts comptables les réflexes nécessaires pour aiguiller, lorsque cela est possible et préférable, leurs clients vers la médiation.

Support de la présentation d’Adrian Borbély


 ? Juriste de formation (DESS de contentieux, arbitrage et MARC, Paris II)
 ? Formé à la médiation à partir de 2004
 ? Pratique d’abord au sein de l’Espace d’Accès au Droit de l’Association Droits d’Urgence et le Centre de Médiation Culture – Paris
 ? Membre du jury de certification de l’Institut Français de Certification des Médiateurs
 ? Doctorat en gestion, thèse sur la relation juriste – décideur et son impact sur le développement de la médiation dans les entreprises
 ? Professeur permanent en négociation et gestion des conflits en école de
commerce de 2011 à 2017 (aujourd’hui vacataire multi-écoles)
 ? Médiateur, enseignant et formateur depuis 2017 (ex : ESSEC, ENA, INET, IESEG, IAE Nice, entreprises et collectivités territoriales)

De quoi va-t-on parler ce soir ?
 ? De médiation bien sûr
 ? Qu’est-ce que la médiation ?
 ? A quoi sert un médiateur ?
 ? Quand recourir à un médiateur ?
 ? Mais aussi nécessairement de conflit
 ? Qu’est ce que le conflit ?
 ? Pourquoi est-ce un problème ?

Définition du conflit
 ?Il y a conflit quand :
 ? Il y a une opposition de volontés telle que la satisfaction de la volonté de
l’un fait obstacle à la satisfaction de la volonté de l’autre
 ? Il y a un désaccord tel qu’une partie tente d’affirmer ses positions sans
tenir compte de celles des autres
 ? Un individu ou un groupe se sent affecté négativement par un autre
individu ou groupe du fait de divergences perçues dans les intérêts ou du
fait du comportement de l’autre, perçu comme incompatible

Quelques remarques
 ? On peut être en conflit sans le savoir
 ? On peut générer du conflit par :
La compétition
La précipitation
L’évitement
 ? Différentes définitions « d’être en conflit » (sensibilités différentes)
 ? Le conflit peut parfois être utile
 ? Conflit = besoin inassouvi

Les causes intérieures au conflit
 ? Des besoins inassouvis : (La pyramide de Maslow)
En conflit, la pyramide est souvent inversée

Différents types de conflits

Conflits de fond, d’organisation ou de personnes
 ? Le conflit de fond : le désaccord porte sur le problème (son identification ou les solutions à y apporter), un choix à faire ou un travail à produire
 ? Le conflit d’organisation : le désaccord porte sur qui fait quoi, qui est
responsable et comment les choses doivent se faire
 ? Le conflit de personnes : le problème est relationnel, on ne peut pas
se supporter
 ? Où se trouve l’origine première du conflit ?

Conséquences
 ? L’origine du conflit d’organisation est souvent extérieur aux personnes en conflit
 ? « C’est le système qui veut ça ! » : les parties se considèrent « victimes »
du système
 ? Aux frontières du management
 ? Le conflit peut commencer ailleurs et devenir personnel
 ? A différencier du conflit purement personnel
 ? Les conflits de fond et d’organisation ne sont pas forcément néfastes (un degré raisonnable de conflictualité serait source d’échange et de créativité)

Conflits de logiques
• Il y a conflit car une même situation est interprétée différemment par les différents acteurs.
 ? Ce que les anglo-saxons nomment « mindset » (« état d’esprit », voire
« tunnel mental ») peut nous enfermer dans une lecture exclusive des
réalités et nous condamner à des attitudes très positionnelles
 ? Tout élément contraire à notre vision est sous-évalué ou même ignoré et
tout élément confirmant notre vision surévalué

Adrian Borbély a su trouver le bon mix entre moments ludiques (ici la vidéo de la Spinning Lady pour s’interroger joyeusement sur la notion de conflit) et les moments sérieux !

Conflits d’intérêts
• Au vu de ce que les parties veulent, aucune ne peut être totalement satisfaite
 ? S’il est satisfait, alors c’est que nécessairement, je ne le suis pas
 ? Les ressources sont limitées (tout le monde ne peut être satisfait)
 ? Une partie fait des demandes, auxquelles l’autre ne veut / peut faire droit
 ? Si je n’obtiens pas ce que j’ai demandé, c’est que « j’ai perdu »

Dans l’entreprise, le conflit est partout
 ? Entre associés
 ? Entre la direction et les financeurs
 ? Avec un client ou un fournisseur
 ? Entre la direction et le personnel (décalage stratégique ou dialogue social grippé)
 ? Entre deux membres du personnel ou deux équipes
 ? Avec l’administration
 ? Avec le voisinage (pollution, conflits d’usage)

Pourquoi gérons-nous si mal les conflits ?
 ? Nous avons tendance à réagir !
 ? Nous ne voyons que quelques options :
1. Renoncer (leur donner ce qu’ils demandent)
2. Riposter – Jouer leur jeu (idéalement mieux qu’eux)
3. Fuir
 ? Lorsqu’on est en position de pouvoir (présumé) : tenter d’imposer notre décision

L’évolution-type d’un conflit (1)
 ? Désaccord
 ? Conflit latent (il y a antagonisme, mais il arrive qu’une partie ne s’en rende même pas compte)
 ? Rupture de la communication
 ? Une étincelle provoque l’explosion ? conflit ouvert :
 ? Tout est de la faute de l’autre - l’autre devient le problème
 ? Les tiers sont pris pour témoins – doivent choisir un camp
 ? On prend conseil (avocat, notaire, expert-comptable)
 ? Etc.

Du conflit au litige
 ? Conflit
 ? Situation complexe, polymorphe et pluricausale qui inclut ou résulte en un
désaccord entre deux parties ou plus
 ? Requête / Réclamation / « Claim »
 ? Demande formellement exprimée par une personne, qui conduit à un litige
lorsque rejetée par son destinataire
 ? Litige
 ? Traduction d’un conflit en un argument juridique, souvent accompagnée
d’une simplification ou rationalisation nécessaire à son traitement juridique
 ? Suit l’introduction d’une requête
Différentes approches de la gestion des conflits (Ury, Brett & Goldberg, 1988)

Pouvoir
 ? Usage de l’autorité personnelle
 ? Usage de la force, menaces
 ? Imposer sa volonté par la coercition ou un pouvoir de récompense.

Droit
 ? Focalisation sur les principes réglementaires ou juridiques, les normes, les standards…
 ? Recours à l’arbitrage ou au tribunal.
 ? Dura lex sed lex

Intérêts
 ? Comprendre les intérêts sous-jacents aux positions, désirs et besoins des acteurs
 ? Tenter d’intégrer les intérêts pour trouver, par la discussion, la meilleure solution possible
Intérêts
Droit
Pouvoir

Une audience attentive lors de la présentation très participative d’Adrian Borbély !

La résolution juridique d’un conflit
 ? Repose principalement sur le droit
 ? L’avocat va informer son client du droit applicable
 ? Attention : sur la base des informations (parfois biaisées) transmises par son client
 ? L’avocat soutient son client face à « l’adversaire »
 ? L’avocat doit convaincre le juge du bien-fondé de sa position
 ? Construction d’un argumentaire visant à exonérer son client et à « enfoncer » l’autre
 ? Simplification du conflit (syllogisme juridique, remèdes limités)
 ? Le juge est limité à sa saisine (ne peut traiter que du problème tel
qu’il lui a été soumis)


Evolution-type d’un litige (2)
 ? Les parties ne se parlent plus, voire s’engueulent
 ? On passe de l’oralité à l’écrit (mise en demeure, lettre d’avocat) – action / réaction ou bien action / inaction
 ? L’avocat porte le litige devant le tribunal compétent
 ? Monopole de communication
 ? L’objectif principal devient de gagner devant le tribunal
 ? Besoin d’être validé dans sa position
 ? Besoin de faire payer l’autre

Une évolution inéluctable ?
 ? NON car :
1. Par le management : possibilité d’anticiper beaucoup de situations conflictuelles
 ? Problème : pas toujours le temps, ni les compétences
2. Par la négociation : possibilité de régler rapidement les différends
1. Problème : difficile de renverser “l’escalade conflictuelle”
 ? Utilité du tiers médiateur

Quand déclencher une médiation ?
Conflit Litige
Tribunal
Arbitrage
Gestion des conflits
Prévention des litiges
(MANAGEMENT)
Modes Alternatifs de
Résolution des Litiges
(MARL ou “ADR”)
(JURIDIQUE)

Mon approche de la médiation
 ? La médiation est une négociation assistée par un tiers extérieur au litige
 ? Le médiateur n’impose pas de solution mais :
- Met à la disposition des parties ses compétences en négociation
- Offre un décentrage dans le conflit (valeur intrinsèque du tiers)
- Permet un rétablissement de la communication entre elles (autant qu’il est
opportun : pas forcément une réconciliation, mais au moins un canal pour
communiquer)
- Ouvre un « espace » de liberté de parole, de protection et de
confidentialité pour les parties

La médiation dans le Code de Procédure Civile
 ? Loi de 1995, modifiée par ordonnance en 2011 (transposition
d’une directive européenne)
 ? La médiation est définie comme : « tout processus structuré, quelle qu’en soit la dénomination, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l’aide d’un tiers, le médiateur, choisi par elles ou désigné, avec leur accord, par le juge saisi du litige » (ordonnance 2011-1540 du 16/11/2011)

Ce que le médiateur n’est pas
 ? Le médiateur n’est pas :
 ? Un juge, un expert ou un arbitre : il s’interdit de dire aux parties qui a tort
ou raison
 ? Un avocat : il ne donne pas de conseil juridique et ne défend pas une
partie contre l’autre
 ? Un psychologue ou un coach : il se focalise sur la difficulté et la relation
entre les parties, pas sur les parties elles-mêmes
 ? Le médiateur est donc complémentaire (plus que concurrent)
de beaucoup de professionnels du droit et de la relation

Ma pratique de médiateur
Ce que je fais
 ? Diagnostiquer la situation
 ? Echanger avec les parties prises individuellement – les aide à se préparer (avec ou sans leurs avocats)
 ? Aider les parties à comprendre la situation et à appréhender leurs marges de manoeuvre
 ? Faire se rencontrer les parties pour qu’elles échangent

Ce que je ne fais pas
 ? Imposer ma solution aux parties
 ? Offrir du conseil juridique
 ? Systématiquement exclure les avocats du processus
 ? (S’il y a des avocats) rédiger l’accord trouvé
 ? Dévoiler le contenu des échanges à quiconque, y compris au tribunal

Deux niveaux possibles d’intervention
Niveau 1 : le litige

 ? Les parties exposent (ou sont prêtes à exposer) une difficulté au
tribunal
 ? la médiation a pour objectif de résoudre cette difficulté
 ? Une négociation principalement financière (marchandage), des
marges de manoeuvre à trouver, si nécessaire via la créativité

Niveau 2 : le conflit dans sa globalité
 ? Situation plus complexe
 ? la médiation a pour objectif de traiter la situation dans sa globalité (pas
seulement les éventuelles requêtes des parties)
 ? Un nécessaire diagnostic commun de la situation et de ses causes profondes
 ? Une remise à plat des relations entre les parties, autour d’intérêts partagés
 ? Recherche d’un accord global

La médiation pour les parties
 ? Un processus volontaire, flexible, rapide et efficace
 ? Un processus confidentiel, afin de libérer la parole des acteurs
 ? Une solution sur-mesure, donc rarement des difficultés d’exécution
 ? Des coûts maîtrisés, une facturation transparente (au temps
passé)

Comparaison médiation / tribunal
 ? Le tribunal coûte de l’argent (avocats, experts, frais de procédure) et prend du temps (+ aléa judiciaire)
 ? La médiation coûte de l’argent (médiation + avocats), va vite (quelques mois max) et on contrôle la solution
 ? L’équation est favorable à tenter la médiation avant toute procédure judiciaire si le taux de réussite >20% (il est >65%)
 ? Ca va devenir obligatoire (décret 2015-282 du 11 mars 2015 pour l’instant pas uniformément appliqué)

Comment entrer en médiation ?
 ? 3 portes d’entrée :
- Une clause dans un contrat (ex : un pacte d’associés) : la mediation
est prévue alors que tout va bien… pour anticiper les difficultés
futures
- Par une partie (ou les parties ensemble) à l’arrivée du litige
- Souvent, une partie saisit le médiateur, qui se charge de contacter l’autre partie
- Par le juge, à la demande ou après accord des parties
- Une ordonnance de médiation, acceptée par les parties, puis validée par le paiement d’une consignation sur frais

Les freins à la médiation
 ? L’impression que l’on sait négocier, mais que, dans le cas présent, rien n’est possible (car « l’autre… »)
 ? L’illusion du « bon dossier » (si je suis sûr de gagner au tribunal, pourquoi négocier ?)
 ? Les interactions entre avocats / juristes et clients /décideurs
 ? La volonté de ne pas prendre de responsabilité sur la difficulté

Quand penser « médiation » ?
1. Pas encore de litige… mais on voit la difficulté se profiler
 ? Ex : deux associés commencent à se plaindre l’un de l’autre
2. Lorsqu’une solution rapide apparaît nécessaire (ex : le conflit met une
entreprise en difficulté, voire empêche sa cession)

 ? Possibilité d’intervention rapide du médiateur
3. Lorsqu’on veut a minima produire les efforts négociés attendus avant de
saisir le tribunal

 ? Si la médiation échoue, au moins on aura essayé, ce qui renforcera notre position devant le juge
4. Lorsqu’on a le sentiment que la réclamation / le litige n’est qu’une partie du problème – ou pas le problème du tout
5. Lorsque les parties se côtoient au quotidien (ex : associés, membres du personnel) ou leur relation a de la valeur en soi (ex : partenaires commerciaux historiques…)
6. Lorsqu’on sent qu’en faire un litige :
 ? Ne serait pas bon pour nous
 ? Procédure longue, possibilité d’appel
 ? Ne répondrait pas au problème
 ? Risque de récidive du conflit
 ? Plus largement, on rencontrerait des difficultés d’exécution
7. Lorsqu’on a le sentiment que la discussion et/ou la négociation pourrait faire avancer les choses (malentendu, concessions réciproques possibles…)
8. Etc.


Les dossiers bons pour le tribunal
 ? Besoin de sécurité juridique (besoin de la décision du juge pour connaître le droit)
 ? Risque de récidive (que le conflit réapparaisse)
 ? L’autre est en procédure collective
 ? Mauvaise foi manifeste / intention de nuire avérée

Le produit de la médiation (accord)
 ? La médiation aboutit à un accord :
 ? Un accord choisi par les parties, donc potentiellement durable
 ? Si les parties sont devant le tribunal : un retrait d’instance : les parties se
désistent de leurs demandes, ce que le tribunal se borne à constater
 ? Une transaction : les parties signent un accord qui clôt leur litige par des
« concessions réciproques » et a « autorité de la chose jugée »
 ? Demande d’homologation auprès du tribunal (force exécutoire)

Une médiation réussie même si pas d’accord
 ? Même s’il n’y a pas d’accord :
- Possibilité de dire ce qui ne va vraiment pas
- Restauration de la communication
- Restauration de l’autonomie
- Une meilleure compréhension de la difficulté et de ce qui les y a conduit (courbe d’apprentissage)
- Des organisations qui fonctionnent mieux
- Une vision globale de la difficulté (pas limitée aux termes du litige)
- Les parties restent libres de reprendre le cours de leur litige
- La médiation suspend les délais de procédure (pas d’opportunité gâchée)

La médiation, comment ça marche ?
 ? Le médiateur peut réunir les parties (pas une obligation) :
 ? Le médiateur garantit un processus permettant aux parties de s’exprimer
dans un cadre sécurisé (sans crainte)
 ? Il clarifie les messages (fossé entre intention et impact) et pose les bonnes questions
 ? Il aide les parties à comprendre ce qu’il s’est passé, identifier leurs intérêts pour l’avenir et évoquer des solutions
 ? Il peut échanger avec les parties prises individuellement

 ? Plateforme de la mediation interentreprises de la metropole Nice
Côte d’Azur (http://mediation.nicecotedazur.org/)
 ? Association Nationale des Médiateurs (http://anm-mediation.com/)

 ? Pour toute question : Adrian Borbély ([email protected] ou LinkedIn)

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