Tracfin : le gendarme

Tracfin : le gendarme financier veut que les associations soient plus encadrées

Dans notre édition de la semaine dernière (LPA n°3961), nous avons vu dans quelles conditions Tracfin mène la lutte contre le financement du terrorisme. Dans ce volet, nous constaterons que cet organisme estime nécessaire "de réviser les règles applicables aux associations à but non lucratif, en particulier les personnes morales ou autres organisations dont l’activité principale est de lever des fonds et de financer des projets de bienfaisance, religieux, culturels, éducatifs, sociaux ou fraternels"

Un manque évident de transparence

Tracfin souligne en effet le manque de transparence générale des règles applicables aux associations en termes d’organisation, de publicité et de relations financières. "Une révision des règles aurait pour avantage de contribuer à prévenir les risques de financement du terrorisme (...). Les associations peuvent également présenter des risques en matière de détournement de fonds publics".
D’après ses recoupements, Tracfin considère que certaines structures associatives manquent de transparence. "Certains dirigeants utilisent la souplesse de la réglementation pour dévoyer l’objet de leurs entités et se livrer à des opérations financières suspectes, en particulier les dépôts et retraits d’espèces de montant anormalement élevé au regard de l’objet et de la taille de l’association, les transferts de fonds vers des pays sensibles sans bénéficiaire identifié, les dépenses sans rapport avec l’objet de l’association".
De ce fait, le détournement de fonds, en particulier sous forme d’abus de confiance, l’une des infractions les plus fréquemment soupçonnées dans les enquêtes, représente une centaine de transmissions judiciaires par an. L’organisme de contrôle constate que certaines associations ont évolué vers un fonctionnement lucratif au gré du développement de leurs activités, et que d’autres ont été délibérément créées pour dissimuler une activité commerciale. Il y a aussi un risque d’ingérence étrangère "qui ne peut être écarté" lorsque les associations disposent de sources de financement opaques.
Le gendarme financier déplore que les associations mises en cause par ses enquêtes ou par l’autorité judiciaire aient pu bénéficier d’une absence de centralisation de l’information relative à leurs dirigeants. Leur enregistrement en préfecture entraîne bien leurs inscriptions à un Registre National, mais "la gestion de ce répertoire paraît inadaptée. En pratique, le répertoire n’est pas centralisé au niveau national. Chaque préfecture gère une liste d’associations du ressort de son territoire. De plus, les identités des dirigeants peuvent être fournies sur une base seulement déclarative".

Le registre des bénéficiaires effectifs, imposé par la directive européenne anti-blanchiment et sa transposition en droit français, ne remédie pas à cet état de fait. "L’état actuel du droit ne permet pas d’encadrer les structures associatives proportionnellement au risque auquel elles sont exposées".
Pour concilier liberté d’association et transparence de la vie économique, Tracfin propose de créer une obligation d’inscription dans un registre unique, de créer de nouvelles obligations comptables et d’abaisser le seuil de certification des comptes pour celles qui sont subventionnées.

Le seuil d’audit légal est "trop élevé"

"Pour garantir une meilleure traçabilité de l’origine des fonds mais également de l’emploi de ces derniers, il apparaît indispensable que les associations, tout particulièrement celles qui font appel à la générosité publique, répondent à des obligations annuelles de publicité comptable. Ainsi, il serait pertinent que ces dernières produisent annuellement un bilan et un compte de résultat assortis d’une annexe relative aux dons, legs et libéralités au-delà d’un certain seuil (y compris en provenance de l’étranger). Ces éléments devraient être intégrés au registre unique".
Enfin, Tracfin considère que le seuil de 153 000€ de perception de subvention publique pour l’obligation de réaliser un audit légal est "trop élevé pour garantir un véritable contrôle".

L’organisme propose de le supprimer et de le remplacer par "un audit légal spécifique intégrant les vigilances LCB/FT, qui pourrait être défini et appliqué dès le premier euro d’argent public versé".

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