Trésorerie : Quelles (...)

Trésorerie : Quelles solutions pour une vraie rémunération ?

113 milliards d’euros. C’est le montant actuel de la trésorerie détenue par les entreprises françaises. "Elles sont les plus capitalisées d’Europe", indique Emmanuel Nègre, président d’INEVA Patrimoine. Fin février, ce conseiller en ingénierie patrimoniale a animé, pour l’UPE 06, un instructif webinaire consacré à la rémunération de ces fonds.

Une aubaine pour les dirigeants, car cet argent, parfois endormi par la Covid-19 dans l’attente d’investissements, peut se muer en une source de revenu. "Il est possible d’atteindre plus de 5% de rémunération, avec un risque maîtrisé, en optimisant la fiscalité et en choisissant les actifs de manière judicieuse".

La réalité des taux bas

Emmanuel Nègre, expert en ingénierie patrimoniale et président d’INEVA Patrimoine DR

Les sociétés qui ont la chance de bénéficier de liquidités ont plusieurs solutions à leur disposition, qui dépendent de leur stratégie et de leurs besoins à court, moyen et long terme. Première option, le compte bancaire. Une formule simple, qui a l’avantage de la disponibilité immédiate. "Mais qui a l’inconvénient d’être rémunérée à zéro", indique le spécialiste. "Et pour cause ! Les banques ont leur trésorerie rémunérée à la Banque centrale européenne à -0,5%". Dans certains pays, comme l’Allemagne, les entreprises sont déjà soumises à ces taux négatifs...
Deuxième opportunité, le compte à terme, qui suppose que l’argent puisse rester bloqué un certain temps. Il est servi par une certaine souplesse, puisque la durée du placement peut être choisie. Mais il est pénalisé par des taux bas (0,10 à 0,60%), une taxation à l’impôt sur les sociétés (IS) et un risque de rapport nul si les fonds sont retirés avant l’échéance prévue. Au final, "il ne rapporte pas beaucoup plus qu’un compte bancaire", regrette
Emmanuel Nègre, avant d’évoquer l’alternative du compte-titres. "Historiquement, il constitue la solution naturelle". Fonds monétaires, Sicav..., une grande variété de supports d’investissement est disponible, offrant l’espoir de gains après cession. "Le compte-titre a pour intérêt de donner accès à des produits structurés adaptés à une trésorerie d’entreprise". S’il requiert une compréhension fine des risques, il doit être considéré, en particulier quand la trésorerie est importante, comme "une solution qui mérite d’être exploitée".

L’opportunité du contrat de capitalisation

C’est aussi le cas du contrat de capitalisation, "une enveloppe qui présente de nombreux avantages, notamment pour les entreprises à l’IS". Il permet de cibler à moyen terme un rendement supérieur à l’inflation avec un budget de risque limité et personnalisé. Par ce biais, "pour les sociétés patrimoniales, SCI, holding ou à but non lucratif, il est possible d’accéder au fonds Euro", une sorte de "paradis fiscal à la française" qui rapporte encore "en moyenne 1,5% pour un placement avec capital garanti". Attention, les structures commerciales ne peuvent pas compter sur ce petit privilège...
Le contrat de capitalisation, dont le montant minimum d’investissement est de 50 000 euros, a d’autres arguments à faire valoir. Il assure une disponibilité des fonds rapide (une dizaine de jours), il peut être nanti afin d’économiser le coût d’une garantie en cas d’emprunt et "il permet d’obtenir une ligne de crédit à partir de sa trésorerie, une flexibilité qui plaît beaucoup à certains chefs d’entreprise". Il jouit par ailleurs d’une fiscalité spécifique convaincante en ce moment. "Elle n’est pas déterminée par rapport au gain latent réalisé chaque année. L’imposition est forfaitaire sur la base du taux moyen des emprunts d’État (TME) à dix ans", explique l’expert, en précisant que le calcul de l’impôt repose sur le TME en vigueur durant le mois qui précède la signature du contrat. Et qu’il demeure inchangé tout au long de sa durée. En d’autres termes, plus le TME est bas, plus cette option de rémunération de la trésorerie est intéressante. Elle l’est d’autant plus que le TME est actuellement négatif. "Il pourrait revenir en territoire positif prochainement, mais tous les contrats ouverts jusqu’à fin mars seront certains de ne subir aucune fiscalité sur les intérêts avant le retrait des fonds. Toutes les entreprises ont intérêt à souscrire un contrat de capitalisation pour profiter de cette anomalie du TME négatif, y compris celles qui en ont déjà depuis quelques années". Cette initiative est cependant conditionnée à une formalité administrative : l’objet social défini dans les statuts de l’entreprise doit permettre de réaliser des opérations financières sur valeurs mobilières. À défaut, une décision en ce sens s’impose au cours d’une assemblée générale.
Il faut enfin noter que si le contrat de capitalisation, qui peut être ouvert au Luxembourg pour profiter "d’un univers d’investissement très large", est accessible aux personnes morales à l’impôt sur le revenu, ces dernières ne peuvent pas bénéficier de la fiscalité liée au TME. Ce sont les règles classiques relatives aux personnes physiques en matière d’assurance-vie qui s’appliquent alors.

5 à 6% avec l’usufruit temporaire de SCPI

La dernière stratégie évoquée par Emmanuel Nègre consiste à investir dans l’usufruit temporaire de Sociétés civiles de placement immobilier (SCPI). Rappelons que l’usufruit n’est autre que le droit de percevoir les fruits d’un bien, c’est-à-dire de toucher les revenus qui en découlent - comme les loyers - sans posséder ledit bien, lequel a été préalablement démembré (séparation de la nue-propriété et de l’usufruit). "Cette solution, bien structurée, est adaptée à de la trésorerie d’entreprise", souligne Emmanuel Nègre. "Il faut comprendre que les loyers des SCPI sont versés en général trimestriellement, parfois mensuellement. Ainsi, quand on achète un usufruit temporaire de SCPI pour une durée de cinq ans, on ne bloque pas tout son argent pendant cette période, car on le récupère au fil de l’eau tous les trimestres". Et d’insister sur les nombreux avantages de ce type d’investissement, à commencer par son rendement. "Il peut facilement excéder 5%". Selon le conseiller, la régularité des loyers et le fort taux de rapport offrent aux entreprises un appréciable moyen de payer leurs dépenses récurrentes avec de l’argent rémunéré. "C’est comme si elles obtenaient une réduction sur le coût de leurs dépenses". En outre, l’acquisition du seul usufruit n’engendre pas de frais ni d’exposition au risque de variation des actifs, "qui sont portés par le nu-propriétaire".
Fiscalement, l’attrait est aussi indéniable grâce à l’amortissement de l’usufruit qui réduit fortement la base taxable à l’IS.
"De plus, un chef d’entreprise peut par exemple viser une double optimisation en achetant l’usufruit temporaire d’une SCPI via sa société à l’IS et la nue-propriété à titre personnel".
Résultat : il n’est pas soumis personnellement à la fiscalité le temps du démembrement et, au terme de ce dernier, il récupère la pleine propriété de la SCPI, ce qui revient à sortir la valeur de l’usufruit de sa société sans aucune imposition. Pour démontrer la puissance de la stratégie "SCPI", Emmanuel Nègre cite l’exemple d’une SCPI dont le montant de la pleine propriété serait de 500 000 euros et le rendement net de 5%. Acheter son usufruit pour cinq ans à hauteur de 100 000 euros reviendrait à récupérer, à l’issue du démembrement, en tenant compte de l’amortissement en comptabilité, de l’imposition à l’IS et de l’inflation des loyers, environ 120 000 euros nets dans sa société. "On arrive dans ce cas à une rentabilité autour de 6%", martèle Emmanuel Nègre, en soulignant que cette option, "très recherchée par les institutionnels, ne permet cependant pas d’investir des millions".
Elle doit être perçue comme l’un des outils au service du dirigeant soucieux d’optimiser sa trésorerie par une diversification des sources de rendement et des facteurs de risque.

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