Assurance-vie : l'effrite

Assurance-vie : l’effritement des avantages fiscaux

  • le 28 février 2010

Progressivement des brèches s’ouvrent dans le régime fiscal de faveur accordé à l’assurance-vie. Illustration avec trois aménagements récents.

« Si l’assurance-vie est aujourd’hui le placement préféré des Français, nous le devons bien sûr, avant toute chose, aux avantages fiscaux qui y sont attachés. » Ainsi commence le texte d’une proposition de loi déposée le 27 novembre 2009 visant à permettre à l’épargnant, s’il vient à constater que les performances de son contrat d’assurance-vie ne répondent plus à ses attentes, de transférer son contrat d’une compagnie à une autre sans en perdre les avantages fiscaux. L’idée n’est pas mauvaise car, c’est bien connu, l’assurance-vie bénéficie d’un traitement fiscal particulièrement intéressant. Pourtant, chaque année ou presque, nous est annoncée une tentative ou une remise en cause de ce régime privilégié. Et force est bien de constater qu’il s’effrite petit à petit comme l’illustrent trois actualités fiscales récentes.

Les produits des contrats multi-supports principalement investis en euros non-pris en compte pour le bouclier fiscal

Il faut d’abord rappeler que l’on distingue les contrats d’assurance-vie « en euros » des contrats « en unités de compte » (ou multi-supports). Dans les premiers, les produits sont chaque année définitivement acquis et viennent augmenter l’épargne constituée pour devenir à leur tour productifs d’intérêts. Dans les seconds, la rémunération du contrat est constituée par les intérêts des différents supports de placement et par les plus-values dégagées à l’occasion de leur cession. Elle n’est définitivement acquise qu’au dénouement du contrat en cas de rachat ou de décès du souscripteur.

Grâce au bouclier fiscal, chaque contribuable dispose d’un droit à se voir restituer une partie de ses impôts pour la fraction excédant 50% de ses revenus. Moins les revenus sont élevés, plus la restitution est importante. Pour le calcul du bouclier, les revenus d’un contrat en euros sont pris en compte puisqu’ils sont bien réalisés chaque année. Ce n’est pas le cas des contrats multi-supports car leurs produits ne doivent être considérés qu’au moment du dénouement du contrat.

Pour sécuriser leurs placements en période de crise, certains détenteurs de contrats en unités de compte ont investi leur épargne principalement sur des supports en euros. L’administration a réagi par une instruction fiscale du 26 août 2008 précisant que les produits de l’épargne « exclusivement ou quasi-exclusivement investie sur le fonds en euros pendant la majeure partie de l’année » doivent être pris en compte pour le calcul du bouclier fiscal. Mais des voix se sont élevées contre cette instruction qui, à la grande surprise de l’administration fiscale sans doute, a vu les dispositions litigieuses annulées par un arrêt du Conseil d’État du 13 janvier dernier. Les produits des contrats multi-supports, d’où qu’ils viennent, ne sont donc pas à prendre en compte pour le calcul du bouclier fiscal. Pour l’instant en tout cas …

Les contrats d’assurance-vie « euros diversifiés » finalement soumis à l’ISF

La loi du 26 juillet 2005 a permis la souscription de contrats dits « euros diversifiés », supports hybrides entre les contrats en euros et les contrats en unités de compte. Pour doper leur rendement, il est souvent prévu que ce type de contrat ne soit pas rachetable pendant une certaine période durant laquelle les fonds placés sont indisponibles.

Un contrat d’assurance-vie non rachetable n’étant en principe pas soumis à l’ISF, la question s’est posée de savoir si les contrats euros diversifiés devaient en être exclus pendant la période d’indisponibilité des fonds. Bien que partagés sur ce point, certains professionnels optimistes ne manquaient pas de mettre en avant ce formidable avantage fiscal. Et pourtant, l’administration fiscale vient peut-être d’en signer la mort annoncée par une instruction du 4 janvier dernier selon laquelle « une clause de non-rachat temporaire ne remet pas en cause l’existence d’une créance dans le patrimoine du souscripteur, y compris durant la période d’indisponibilité. » Autrement dit, les contrats euros diversifiés sont bien soumis à l’ISF.

Les produits des contrats multi-supports désormais assujettis aux prélèvements sociaux, en cas de décès du souscripteur

Les intérêts des contrats d’assurance-vie étaient et sont toujours soumis aux prélèvements sociaux (12,1 %). La taxation des contrats en euros intervient annuellement. Celle des contrats en unités de compte a lieu lors du rachat partiel ou total effectué par l’assuré de son vivant. Cependant, lorsqu’un tel contrat se dénouait par le décès de l’assuré, les intérêts n’étaient pas soumis aux prélèvements. Ce n’est plus le cas depuis le 1er janvier 2010 (loi de Financement de la sécurité sociale).

Cette nouvelle taxation, comme toutes les autres d’ailleurs, ne nous fait pas (encore) oublier que l’assurance-vie constitue un outil pertinent d’optimisation patrimoniale. Elle révèle cependant une certaine instabilité fiscale qui rend plus difficile l’exercice d’anticipation. La tentation est grande parfois de vouloir profiter tout de suite d’avantages qui n’existeront peut-être plus demain. Or, à chaque situation patrimoniale correspond une réponse unique qui ne doit pas être exclusivement guidée par des considérations fiscales. Au contraire, que ces incertitudes incitent les épargnants à redoubler de prudence mais aussi d’imagination pour mettre en place des stratégies toujours plus souples et personnalisées.

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