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Ayrault s’installe, les patrons s’inquiètent

On se croirait au début des années 2000, lorsque le Medef incarné par Ernest-Antoine Seillière protestait contre les mesures « régimentaires » du gouvernement Jospin. Alors que les nouveaux ministres commencent à décliner le programme de François Hollande, Laurence Parisot met en garde contre des dépenses qu’elle juge excessives.

Les choses vont vite. Après l’élection de François Hollande, la nomination de Jean-Marc Ayrault et la composition du gouvernement, les premières réformes sont annoncées puis mises en œuvre. Certaines d’entre elles n’attendront même pas l’aval du Parlement, qui se réunira sans doute en session extraordinaire en juillet. Ainsi, le retour à la retraite à 60 ans pour les salariés entrés jeunes dans la vie professionnelle, promesse récurrente de François Hollande, fera l’objet d’un décret « dans les trois semaines », a affirmé le Premier ministre, le 23 mai.
Mais la réforme fait déjà débat. L’opposition, qui reste majoritaire à l’Assemblée nationale en attendant le renouvellement des députés, les 10 et 17 juin prochains, réclame le vote d’une loi et non l’adoption d’un décret. Les partenaires sociaux, reçus par plusieurs ministres, notamment Marisol Touraine (Affaires sociales) et Arnaud Montebourg (Redressement productif), n’entendent plus rester à l’écart de la discussion. Certains syndicats réclament une interprétation large de cette nouvelle réforme des retraites. Le Medef, dont le conseil exécutif s’est réuni le 21 mai, exprime en revanche son inquiétude. « Comment sera calculée la durée de cotisation nécessaire pour bénéficier de ce dispositif ? », s’interroge Laurence Parisot. Il est vrai que la question n’est pas tranchée. Va-t-on comptabiliser les trimestres effectivement travaillés ou l’ensemble des périodes considérées comme « validées », y compris les mois de chômage et les bonifications accordées pour avoir élevé un enfant ?
« L’impact n’est pas le même », résume la patronne des patrons, qui craint que l’extension du dispositif aux fonctionnaires n’accentue encore son coût. Les fédérations Agirc et Arrco, qui gèrent respectivement les retraites des cadres et des salariés, « ne supporteraient pas un tel choc », estime la présidente du Medef. Les dépenses supplémentaires imputables aux deux régimes, gérés par les partenaires sociaux, pourraient atteindre « 2 milliards d’euros par an, à partir de 2017 », ont calculé les services de l’organisation patronale. Cela « annihilerait les effets de la réforme de 2010 dont nous pensons très largement être à l’origine », déplore déjà Laurence Parisot.

Croissance, quelle définition ?

Les retraites ne sont pas le seul sujet d’inquiétude au Medef. Les experts patronaux ont ainsi chiffré le programme de François Hollande. S’il était appliqué dans son intégralité, les entreprises devraient verser « 27 milliards d’euros » d’impôts supplémentaires, estime l’organisation : « 15,2 milliards en amont de la production » et « 7,4 milliards en aval », le solde correspondant à des « mesures ciblées ».
Laurence Parisot partage avec le gouvernement une préoccupation, l’impératif de « croissance », répété partout, en France, à Berlin, au sommet du G8 de Camp David ou à Bruxelles, par le président de la République. Mais attention, ajoute aussitôt la présidente du Medef, « la croissance, ce n’est pas la croissance des dépenses publiques ». Elle déroule alors le discours que son prédécesseur, Ernest-Antoine Seillière, ne cessait de tenir au début des années 2000, face au gouvernement Jospin. « Le véritable outil de la croissance, c’est la compétitivité du territoire, qui s’inscrit dans le cadre européen, la discipline budgétaire et l’esprit entrepreneurial », précise la patronne des patrons sur un ton qui ne tolère aucune répartie. Alors que les déficits constituent une préoccupation majeure des dirigeants européens, la quadrature du cercle budgétaire n’est pas hors de portée, veut-on croire au Medef. L’organisation patronale souhaite ainsi « réduire les mauvaises dépenses, pas seulement au sein du budget de l’Etat, mais aussi des collectivités locales ». La révision générale des politiques publiques (RGPP), lancée en 2007 par Nicolas Sarkozy, sera certes stoppée, conformément aux engagements du candidat Hollande. « Très bien », lâche laconiquement Laurence Parisot. Mais, compte tenu du niveau de la dette les choix sont limités. La réduction « de toutes les dépenses inefficaces ou superflues » prendra sans doute « une autre forme », affirme-t-elle.

Recettes simples

Pour le patronat français, qui se nourrit à l’occasion aux écrits des auteurs libéraux anglo-saxons, les théories de l’économiste Kenneth Rogoff, ancien responsable du Fonds monétaire international (FMI), sont les bienvenues. « Comme il l’a démontré, au-delà de 90% de dette, un pays ne retrouve jamais la croissance », avance Laurence Parisot. Le Medef conseille au gouvernement d’appliquer une recette simple, « un ratio de deux pour un, deux fois plus de réductions de dépenses que d’augmentations d’impôt », qui rappelle la maxime de Nicolas Sarkozy, « le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ». La patronne des patrons a songé à d’autres recettes. Lors d’une rencontre avec Arnaud Montebourg, le 21 mai, elle « lui a donné un exemple, celui d’un nouveau traité de libre-échange ayant pour objectif d’abaisser les barrières non-tarifaires entre l’Europe et les Etats-Unis ». La responsable du Medef ne dit pas si le tout nouveau ministre du Redressement productif a apprécié la suggestion.

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