Cession de sites : (...)

Cession de sites : la loi « Florange » adoptée

L’emblématique proposition de loi dite « Florange » a achevé son parcours parlementaire. Assez éloigné des intentions initiales, le texte adopté ne contraint finalement que les grandes entreprises cédant un site à chercher un repreneur. A défaut, elles s’exposent à des pénalités. Les salariés pourront déposer une offre de reprise.

C’était l’une des promesses de campagne du candidat Hollande : obliger les entreprises qui veulent fermer une usine à la céder si un repreneur se présente. Le 24 février 2012, s’adressant aux salariés d’Arcelor-Mittal, sur le site de Florange, en Moselle, il avait déclaré « si Mittal ne veut plus de vous (…), je suis prêt à ce que nous déposions une proposition de loi qui dirait : quand une grande firme ne veut plus d’une unité de production, mais ne veut pas non plus la céder, nous en ferions obligation » . Dix huit mois plus tard, la « loi Florange », baptisée « loi visant à reconquérir l’économie réelle » commençait son parcours législatif. Le texte a été définitivement adopté le 24 février. Et, force est de constater que la proposition n’a plus grand-chose à voir avec les intentions d’origine.

L’idée de ce nouveau texte est de faire en sorte qu’il n’y ait pas de restructuration alors qu’il y a un outil industriel en bonne santé. Finalement, seuls les groupes de plus de 1 000 salariés seront concernés et non les PME. Ce critère relativise pour le moins l’impact de ce dispositif quand on sait que 85 % des plans de sauvegarde de l’emploi (PSE) touchent aujourd’hui des entreprises de moins de 1 000 personnes.

L’employeur sera désormais contraint à un effort de recherche de repreneur « par tout moyen approprié ». La loi l’oblige à créer « un dossier de présentation de l’établissement » et à « donner accès à toutes les informations nécessaires aux entreprises candidates à la reprise de l’établissement, exceptées les informations dont la communication serait de nature à porter atteinte aux intérêts de l’entreprise ou mettrait en péril la poursuite de l’activité ». Encore faudra-t-il interpréter une notion aussi vague !

La direction de l’entreprise aura trois mois pour rechercher un repreneur potentiel (obligation de moyens).Les efforts de l’employeur en la matière devront être « suffisants ». Reste à savoir comment le tribunal va juger de la qualité de ces efforts. L’entreprise devra donner accès pour les entreprises candidates à toutes les informations nécessaires pour élaborer un projet de reprise.
Le chef d’entreprise devra informer le Comité d’entreprise (CE) et indiquer aux élus du personnel que les salariés ont la possibilité de déposer une offre de reprise, sous la forme d’une société coopérative. La direction sera aussi tenue d’informer le maire de son projet de fermeture du site, ce dernier en étant aussi avisé par l’administration. Le CE pourra se faire assister par un expert (rémunéré par l’entreprise) afin de participer à la recherche d’un repreneur.
En l’absence d’offres de reprise ou si l’employeur ne leur a pas donné suite, c’est à dire à la fin de la procédure d’information-consultation, le groupe devra réunir le CE et lui présenter un rapport indiquant les actions engagées pour rechercher un repreneur, les offres de reprises reçues et leurs caractéristiques, ainsi que les motifs l’ayant conduit à refuser la cession de l’établissement.

Pénalités et remboursement des aides. Si le CE estime que l’employeur n’a pas respecté ces obligations, il pourra saisir le tribunal de commerce du siège de l’entreprise, dans un délai de 7 jours suivant la fin de la procédure d’information-consultation. Le tribunal, qui devra statuer sous 14 jours, examinera si l’employeur a respecté la procédure et, après avoir entendu chaque partie (dont le CE), étudiera le « caractère sérieux des offres de reprise » et « l’existence d’un motif légitime de refus de cession ». En outre, et en l’absence de « motif légitime », l’employeur pourra être condamné par le tribunal de commerce à verser une « pénalité qui peut atteindre vingt fois la valeur mensuelle du Smic par emploi supprimé » (environ 28 600 euros), avec une limite qui devrait être fixée à 2 % du chiffre d’affaires de la société (coût moyen d’un PSE). Le groupe pourrait également être obligé de rembourser les aides publiques dont il aurait pu bénéficier dans les deux ans qui ont précédé la fermeture.
Le texte témoigne de la recherche d’un difficile équilibre entre la volonté de sauver les établissements encore rentables et celle de ne pas décourager les investisseurs. On notera en outre le risque de concurrence du juge administratif, du juge prud’homal et du juge commercial, en la matière !

Rupture du contrat de travail à l’initiative du salarié : la procédure accélérée
Une proposition de loi vise à obliger les conseils de prud’hommes à se prononcer dans le délai d’un mois lorsque le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail.
Actuellement, à partir du moment où le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail, pour des faits reprochés à son employeur, et qu’il a saisi l’instance prud’homale, sa situation est extrêmement précaire. L’intéressé doit attendre que la procédure prud’homale se déroule normalement : une audience devant le bureau de conciliation et une autre devant le bureau de jugement, soit une durée moyenne de 10 mois (dans le ressort de la Cour d’appel de Paris, le délai moyen pour obtenir un jugement prud’homal dépasse actuellement 16 mois). Durant cette période d’attente que le juge statue sur les effets de cette rupture, le salarié ne bénéficie d’aucune protection sociale.
Le but de la proposition de loi, adoptée en première lecture à l’Assemblée, le 27 février, est d’accélérer la procédure sur le modèle de l’article L. 1245-2 du Code du travail, concernant la demande de requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée. Le nouveau texte prévoit la même procédure : « Lorsque le conseil de prud’hommes est saisi d’une demande de qualification d’une prise d’acte de rupture du contrat de travail par le salarié, l’affaire est directement portée devant le bureau de jugement qui statue au fond dans un délai d’un mois suivant sa saisine ».
Attention, les députés à l’origine du texte ne souhaitent pas voir consacrer la notion de prise d’acte dans le Code du travail.

Rupture du contrat d’apprentissage. En matière d’accélération des procédures, on reteindra également une disposition de la loi relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, qui vient d’être définitivement adoptée. Aujourd’hui, la rupture d’un contrat d’apprentissage ne peut intervenir plus de deux mois après son démarrage et, à défaut d’accord écrit des deux parties, qu’au moyen d’un jugement des prud’hommes. Désormais, le conseil de prud’hommes devrait statuer en la forme des référés, afin d’accélérer la procédure et de permettre à l’apprenti de poursuivre sa formation dans une autre entreprise, et à son employeur d’embaucher un nouvel apprenti.

Visuel : Photos Libres

deconnecte