Congés payés : quand (...)

Congés payés : quand la justice européenne s’en mêle...

Dans l’arrêt Dominguez rendu le 24 janvier [1] , la Cour de justice européenne s’est penchée sur les congés payés des salariés. Et les solutions dégagées ne sont pas sans intérêt. La France devra revoir sa législation.

Le droit à congé

Le droit aux congés payés dans le Code du travail français était devenu un véritable casse-tête. Selon la législation, en contrat à durée déterminée (CDD), le salarié a droit « à une indemnité compensatrice de congés payés au titre du travail effectivement accompli durant ce contrat, quelle qu’ait été sa durée, dès lors que le régime des congés applicable dans l’entreprise ne lui permet pas de les prendre effectivement » (article L 1242-16). En revanche, s’agissant du contrat à durée indéterminée (CDI), selon l’article L 3141-3, « le salarié qui justifie avoir travaillé chez le même employeur, pendant un temps équivalent à un minimum de dix jours de travail effectif a droit à un congé de deux jours et demi ouvrables par mois de travail » (dispositions issues de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, ce droit à congé étant auparavant conditionné à une obligation de travail chez le même employeur, d’une durée d’un mois).

Outre une différence de traitement entre les CDD et les CDI, les CDD étaient bizarrement mieux lotis que les CDI. Depuis un arrêt rendu le 26 juin 2001 (dans l’affaire Bectu) , la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a jugé contraire à l’article 7 de la directive du 4 novembre 2003 [2], les législations ou pratiques nationales des États membres qui subordonnent la naissance du droit à congés payés à l’accomplissement d’une période minimale d’activité professionnelle au service du même employeur. La France était donc visée. Dans une décision du 24 janvier dernier, la CJUE réitère sa position : les États membres ne peuvent « limiter ’unilatéralement’ le droit au congé annuel payé conféré à tous les travailleurs, en appliquant une condition d’ouverture dudit droit qui a pour effet d’exclure certains travailleurs du bénéfice de ce dernier ».

La cause est entendue et ne pose pas de problème particulier. Sur ce point, d’ailleurs, l’article 43 de la proposition de loi Warsmann (n° 3706) relative à la simplification du droit et à l’allègement des démarches administratives met notre droit en conformité avec la jurisprudence européenne en accordant un droit à congé, quelque soit la durée de l’emploi et le type de contrat de travail.

Congés et état de santé du salarié

En outre, l’article L 3141-5 du Code du travail français assimile certaines périodes de non-travail à du travail effectif. Il s’agit notamment des congés maternité, paternité et d’adoption ainsi que les périodes, dans la limite d’une durée ininterrompue d’un an, pendant lesquelles l’exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle. C’est cette législation que l’Europe demande à la France de revoir.

Dans l’affaire Dominguez, une salariée, victime d’un accident de trajet entre son domicile et son lieu de travail, avait été en arrêt de travail pendant près de quatorze mois. Elle réclamait des congés payés, au titre de cette période, que son employeur lui avait refusés. De son côté, la salariée soutenait que l’accident de trajet est un accident du travail relevant du même régime que ce dernier : dès lors, la période de suspension de son contrat de travail, consécutive à l’accident de trajet, devait être assimilée à un temps de travail effectif pour le calcul de ses congés payés.

Saisie par l’entreprise, la Cour de cassation a donc pris l’initiative d’interroger la CJUE sur la compatibilité, avec la législation européenne, de la réglementation française, qui reconnaît comme périodes de travail effectif, les périodes pendant lesquelles l’exécution du contrat de travail a été suspendue notamment en raison d’un accident du travail... mais sans mentionner l’accident de trajet.

Réponse de la Cour européenne, « tout travailleur, qu’il soit en congé de maladie pendant la période de référence, à la suite d’un accident survenu sur le lieu du travail ou ailleurs, ou à la suite d’une maladie de quelque nature ou origine qu’elle soit, ne saurait voir affecté son droit au congé annuel payé d’au moins quatre semaines ». Sur ce point, selon l’article 7 de la directive précitée, les États membres doivent prendre « les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d’un congé annuel payé d’au moins quatre semaines ». Ainsi, le droit national doit, en cas d’absence liée à son état de santé, garantir au salarié un droit au congé de quatre semaines. Le report de ce droit à congé ne peut donc jouer que sur la cinquième semaine de congés, ou les congés supplémentaires prévus par les conventions collectives.
La situation est claire : les dispositions du Code du travail français ne sont pas conformes à la législation européenne. Le Parlement est donc invité à fixer de nouvelles règles...

[1Affaire. C 282/10

[2n°2003/88/CE, sur certains aspects de l’aménagement du temps de travail

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