Du bon usage (sans (...)

Du bon usage (sans retenue) de la cession de retenue légale de garantie de 5% dans le bâtiment.

En ces temps de disette de trésorerie et de financements pour les entreprises, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence vient de valider une forme particulière de transfert de créance professionnelle, celle entre protagonistes du bâtiment de la cession de retenue de garantie de 5% sur solde de marché de travaux.

La loi n° 71-584 du 16 juillet 1971 en ses articles 1 et 2 permet au
maître d’ouvrage de conserver par-devers lui les 5% reliquataires exigibles sur un marché de travaux privé (contrat d’entreprise par lots ou contrat intégré de construction de maison individuelle) à un entrepreneur ou constructeur pendant 1 an après la réception.

Cette économie sera affectée à due concurrence du coût de reprise
des réserves signalées à la réception ou celles notifiées durant le délai
annal de garantie de parfait achèvement à la condition expresse d’être
portées à la connaissance de l’intéressé par le maitre d’ouvrage sous
forme d’opposition par LRAR motivée dans ce temps avec indication
de la consommation de la retenue. A l’issue si rien ne surgit, le maître
d’ouvrage doit verser les 5% à l’entrepreneur.

Ce dernier qui pour édifier aura eu besoin comme souvent de louer du matériel (banches, lève-palettes, grues...), confronté à la délicatesse de ne pouvoir régler comptant les loyers, a pu envisager de rassurer son loueur en lui cédant la créance future qu’il détiendra à terme 1 an après la réception s’il n’essuie pas de contre par imputation de réserves sur les 5% en solde de son marché.

L’entrepreneur cède par contrat cette créance future conditionnelle mais d’ores et déjà certaine en son principe à son loueur par écrit signifié par huissier au maître d’ouvrage comme l’impose l’article 1690 du Code civil sur le formalisme et l’opposabilité des cessions de créances.

L.313-23 alinéa 2 du Code monétaire et financier permet cette opération
puisqu’il prévoit que "peuvent être cédées ou nanties les créances
liquides et exigibles même à terme. Peuvent également être cédées ou
données en nantissement les créances résultant d’un acte déjà intervenu ou à intervenir dont le montant et l’exigibilité ne sont pas encore déterminés
".

Il doit cependant être spécifié que le maître d’ouvrage devra dénoncer ses éventuels griefs au nouveau cessionnaire des 5%. L’omission de cette précaution est fâcheuse pour le maître de l’ouvrage qui s’expose à devoir payer le cessionnaire 1 an après la réception même s’il nourrit des reproches contre son cocontractant qu’il pensait faire valoir par exception d’inexécution contractuelle.

La parade imaginée par certains était alors de "téléguider" via le mandataire judiciaire de l’entrepreneur cédant finalement tombé en faillite une action devant le Tribunal de commerce en nullité de la cession survenue en période suspecte peu de temps avant le redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire en excipant du prétendu caractère non communément admis dans les affaires de ce mode de paiement au profit d’un créancier déterminé favorisé au détriment de la masse des autres au visa de l’article L.632-1, 4° du Code de commerce édictant la nullité de "tout paiement pour dettes échues, fait autrement qu’en espèces, effets de commerce, virements, bordereaux de cessions visés par la loi (Dailly) n°81-1 du 2 janvier 1981 facilitant le crédit aux entreprises ou tout autre mode de paiement communément admis dans les relations d’affaires (…)".

Dans un arrêt récent du 6 juin 2013 (n°2013/306 ; RG n°12/09275) la 8ème chambre commerciale section A de la Cour d’Aix-en-Provence a jugé non contestable la cession de créance future de l’entrepreneur, fût-il en difficultés (au demeurant il cède une créance parce qu’il éprouve pour cause des premières sautes de trésorerie) à son loueur de grues (lequel indéniablement contribue ce faisant à le soutenir en patientant longtemps plutôt que de couper la relation d’affaires au premier revers).

Le contradicteur évoquait notamment l’absence d’attestation par un organisme corporatiste des loueurs de matériels et engins de chantiers certifiant du mode communément admis de ce type de paiement. Il était rétorqué qu’un tel organe de représentation n’existait de toute façon pas, qu’à l’impossible nul n’est tenu et qu’il pouvait être procédé par analogie mutatis mutandis avec la solution adoptée par la chambre commerciale de la Cour de cassation, laquelle, dans un arrêt du 3 avril 2001 (pourvoi n°98-15150), avait consacré la cession de la retenue légale entre un fournisseur de matériaux et une société de construction du Languedoc, la discrimination ne pouvant se comprendre.
Les magistrats aixois avec audace bienvenue ont suivi.

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