L'entreprise et la famille

L’entreprise et la famille au cœur du congrès des notaires

Réunis à Marseille du 15 au 18 juin, les praticiens se pencheront sur les intérêts de leurs clients les plus fidèles, chefs d’entreprise, cadres supérieurs et professions libérales. Une vingtaine de propositions destinées à faciliter la cohabitation entre vie professionnelle et vie familiale seront présentées.

« Faire les bons choix afin d’assurer la prospérité et encourager la solidarité ». Cette proclamation ressemble au programme d’un parti politique, mais il s’agit en fait du projet que les notaires souhaitent à un chef d’entreprise devant concilier son activité avec sa vie familiale. Les praticiens, qui se réuniront du 15 au 18 juin, à Marseille, pour leur congrès annuel, travailleront cette année sur le thème « vie professionnelle et famille », avec un mot d’ordre qui devrait faire le bonheur des études : « place au contrat » !
L’équipe du congrès, choisie par Bernard Ryssen, notaire à Seclin (Nord), s’adresse principalement aux « professionnels indépendants, libéraux, artisans, chefs d’entreprise » qui fournissent l’ossature des revenus des notaires, à défaut de constituer la majorité de leur clientèle. Les « deux vies », « familiale » et « professionnelle », de ces clients souvent aisés entrent parfois en conflit. Ainsi, si le mariage demeure, en France, une valeur sûre, il n’a pas échappé au notariat que l’on enregistre, chaque année environ 130 000 divorces. Par ailleurs, dans 16% des unions, au moins l’un des époux n’a pas la nationalité française. « Nul n’a aujourd’hui une vie linéaire », constatent les notaires. Pour autant, l’activité économique ne peut rester à l’écart des soubresauts de la vie familiale : 58% des chefs d’entreprises familiales ont ainsi l’intention de transmettre leur activité à la génération suivante, selon une étude du consultant Price Waterhouse Coopers effectuée en 2012. Dans l’Union européenne, 4,5 millions de successions sont enregistrées chaque année, et 10% d’entre elles « comportent un élément transfrontalier », observent enfin les praticiens.

Prévenir, rassurer, sécuriser

Dès lors, « dans ce brassage perpétuel des situations familiales et professionnelles, le droit tient une place prépondérante ». Les lois, qui changent sans cesse, bien sûr, les normes « internationales », ainsi que les notaires s’obstinent à qualifier le droit européen, et bien sûr la jurisprudence. « La recherche de l’équilibre entre vie professionnelle et vie familiale » passe par des « choix juridiques », autrement dit « le contrat » dont les notaires, rappelle opportunément l’équipe du congrès, « sont les orfèvres ».

La profession a élaboré une vingtaine de propositions qui seront débattues en séance publique avec leurs confrères et des juristes chevronnés puis transmises à la Chancellerie, où l’on examine toujours avec beaucoup d’intérêt les suggestions notariales. Cette année, les praticiens ont décidé de « ne pas appeler au vote de nouvelles lois, alors que l’on constate une inflation normative », explique Michaël Dadoit, notaire à Joué-les-Tours (Indre-et-Loire), qui sera rapporteur général du congrès. On ne peut en effet dénoncer régulièrement, comme le fait la profession, l’excès de lois et en proposer de nouvelles…

L’équipe du congrès a divisé ses travaux en quatre volets, correspondant aux différentes étapes de la vie d’une entreprise, et s’appuie sur des questions récurrentes émanant des clients. Les praticiens en livrent volontiers des exemples : « Ma femme a créé sa société de publicité voici 5 ans et ça marche bien. Nous nous sommes mariés il y a 10 ans sans contrat de mariage. Est-il vrai que je suis associé de fait de la société ? Nous allons divorcer et elle me demande beaucoup d’argent, vous comprenez… » Ou encore : « J’ai 67 ans, 25 camions, un garage. Mon fils travaille avec moi. Je suis fatigué, je veux lui donner ma société. Comment faire pour que ça ne nous coûte pas les yeux de la tête ? » Pour répondre à ces interrogations, et à bien d’autres, les notaires veulent « revisiter le contrat de mariage », promet Bernard Ryssen.

La profession se présente volontiers comme rassurante, prévenante, sécurisante. Lorsque l’entreprise rencontre des difficultés, ses dirigeants se demandent comment épargner la tempête à leur famille, voire comment éviter la saisie du domicile principal. Le congrès se penchera donc sur des outils destinés à « dresser des digues efficaces pour éviter que les difficultés de l’entreprise n’emportent le patrimoine familial ». La « déclaration d’insaisissabilité » ou le « mandat de protection future » peuvent notamment aider un chef d’entreprise en cas de « difficulté de trésorerie, procédure collective, faillite, mais encore séparation, divorce, décès brutal ou incapacité ». Les notaires déconseillent en revanche de procéder de manière précipitée, alors que les difficultés de l’entreprise sont déjà inéluctables, à un changement de régime matrimonial voire à un divorce arrangé, afin de sauver les meubles.

Transmission des sociétés familiales

Les sociétés familiales, qu’elles soient créées avec le conjoint, des parents ou des tiers, sont « à la fois fortes et fragiles », préviennent les notaires. Certes, les actionnaires de ces sociétés ont d’abord la préoccupation de pérenniser l’activité, mais au moment de la transmission, elles se révèlent instables. « Un tiers des PME font faillite suite au décès de leur dirigeant », déplorent les praticiens. Or, les statuts de la société peuvent être adaptés à toutes les situations, y compris lorsque le chef d’entreprise souhaite conserver à l’écart des affaires un gendre en qui il n’a pas confiance, par exemple… Ces solutions sur-mesure s’appliquent également au moment de la préparation de la succession. « Bien transmettre une entreprise, ce n’est pas seulement alléger le coût fiscal de l’opération, mais aussi lui permettre d’être maintenue entre les mains de ceux qui sauront la développer », assurent les praticiens.

Le congrès s’intéressera enfin à « ces Français à l’étranger, ces étrangers en France », qui vivent, entreprennent, se marient et décèdent dans différents pays de l’Union européenne. Les exemples choisis, à défaut de briller par leur originalité, permettent de comprendre les enjeux : « Un Britannique qui décède en Dordogne », cite Michaël Dadoit ; « un couple d’Italiens qui rachète une pizzeria en plein Paris », surenchérit Bernard Ryssen. Les notaires, là encore, refusent d’examiner les cas pratiques par le seul prisme de la fiscalité, mais affirment se concentrer sur « les risques » courus par les entreprises. Le rapporteur général du congrès assure d’ailleurs que les propositions, soumises du 15 au 18 juin à la sagacité des congressistes, « ne comporteront pas de modification fiscale ».

L’équipe du 110ème congrès

Le 110ème congrès, qui se déroule à Marseille sur le thème « Vie professionnelle et famille » sera présidé par Bernard Ryssen, notaire à Seclin (Nord) ;

Rapporteur général : Michaël Dadoit, Joué-les-Tours (Indre-et-Loire) ;

Président de la première commission « Le partage des richesses professionnelles du couple » : Emmanuel Clerget, La Charité-sur-Loire (Nièvre) ; rapporteure : Corinne Dessertenne-Brossard, Paris ;

Président de la deuxième commission « L’anticipation et la gestion des risques par le contrat » : Olivier Gazeau, Mallemort-sur-Corrèze (Corrèze) ; rapporteurs : Stéphanie Blin, Montpon-Ménestérol (Dordogne), Christophe Sardot, Lyon ;

Président de la troisième commission « Le contrat de société et la famille » : Antoine Bouquemont, Eu (Seine-Maritime) ; rapporteur : Emmanuel Tater, Cognac (Charente) ;

Président de la quatrième commission « La vie professionnelle et la famille à travers les frontières » : Jean Gasté, Nantes ; rapporteur : Xavier Ricard, Nantes.

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