La sécurisation du prêt

La sécurisation du prêt de main d’œuvre à but non lucratif

La loi nouvelle pour le développement de l’alternance et la sécurisation des parcours professionnels du 28 juillet 2011 encadre les opérations de prêt de main d’oeuvre. Elle définit cette pratique, souvent utilisée entre sociétés d’un même groupe, et prévoit de nouvelles garanties pour les salariés, afin d’éviter les abus.

Rappel. L’article L.8231-1 du Code du travail prohibe toute opération à but lucratif de fourniture de main-d’œuvre qui a pour effet de causer un préjudice au salarié qu’elle concerne ou d’éluder l’application de dispositions légales ou de stipulations d’une convention ou d’un accord collectif du travail : c’est le délit de marchandage. En outre, l’article L.8241-1 du même code prohibe toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d’œuvre : c’est le délit de prêt illicite de main-d’œuvre.

Sont donc licites, les opérations :

- d’extériorisation qui ne comportent pas de prêt de main-d’œuvre et qui de ce fait constituent de vrais contrats de sous-traitance ou de prestation de services ;
- de prêt de main-d’œuvre à but non lucratif ;
- non exclusives de prêt de main-d’œuvre à but lucratif, qui n’occasionnent aucun préjudice au salarié ou n’ayant pas pour effet d’éluder l’application de la loi, de conventions ou d’accord collectif du travail.

Sont en revanche interdites :

- celles exclusives de prêt de main-d’œuvre à but lucratif ;
- les opérations non exclusives de prêt de main-d’œuvre à but lucratif dès lors qu’elles causent un préjudice au salarié, ou éludent l’application de la loi, ou de conventions ou d’accord collectif du travail.

Insécurité juridique

Certains ont relevé l’insécurité juridique de cette pratique de prêt de main d’œuvre. S’il est clair que les opérations de prêt de main d’œuvre à but non lucratif sont légales, encore faut-il définir le caractère « lucratif ». Ainsi, certains arrêts de la Cour de cassation assimilent les opérations à but lucratif aux opérations à titre onéreux (« le contrat ayant été conclu entre les deux sociétés moyennant une rémunération... », Cass. soc. 4 avril 1990 ; « cette opération ayant donné lieu à rétribution et ayant été réalisée en dehors des dispositions légales relatives au travail temporaire... », Cass. crim. 15 février 1983). Le caractère lucratif découlerait donc de la simple existence d’une facturation. D’autres décisions donnent au terme « lucratif » sa signification propre (qui procure un gain, des profits, un bénéfice) et relèvent l’existence d’un profit pour retenir la qualification d’opération à but lucratif (« réalise une opération à but lucratif … l’employeur qui transfère à une autre entreprise … l’obligation du paiement du salaire et de ses accessoires par son intermédiaire tout en prélevant un bénéfice pour lui-même », Cass. soc. 25 septembre 1990 ; « le prêt de main d’œuvre n’est pas lucratif du moment que le montant de la rémunération versée à l’entreprise fournisseuse correspondant aux salaires et aux charges sociales des intéressés », CA Paris, 20e ch., 11 février 1982). Les mises à disposition de salariés à prix coûtant ne tomberaient donc pas sous le coup des interdictions. Le prêt de main-d’œuvre n’est pas lucratif du moment que le montant de la rémunération versée à l’entreprise fournisseuse correspond aux salaires, aux charges sociales ainsi qu’éventuellement aux frais de gestion.

Ce qui change

La loi pour le développement de l’alternance et la sécurisation des parcours professionnels du 28 juillet 2011 sécurise cette pratique sur plusieurs points.

Définition. Désormais, l’article L. 8241-1 du Code du travail prévoit qu’ une opération de prêt de main-d’œuvre ne poursuit pas de but lucratif « lorsque l’entreprise prêteuse ne facture à l’entreprise utilisatrice, pendant la mise à disposition, que les salaires versés au salarié, les charges sociales afférentes et les frais professionnels remboursés à l’intéressé au titre de la mise à disposition ».

Conditions. Le prêt de main d’œuvre à but non lucratif requiert :

- l’accord du salarié concerné : un salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire pour avoir refusé une proposition de mise à disposition ;
- une convention de mise à disposition entre l’entreprise prêteuse et l’entreprise utilisatrice : elle définit la durée et mentionne l’identité et la qualification du salarié concerné, ainsi que le mode de détermination des salaires, des charges sociales et des frais professionnels qui seront facturés à l’entreprise utilisatrice par l’entreprise prêteuse ;
- un avenant au contrat de travail, signé par le salarié, précisant le travail confié dans l’entreprise utilisatrice, les horaires et le lieu d’exécution du travail, ainsi que les caractéristiques particulières du poste de travail (art. L. 8241-2 du Code du travail).

Les représentants du personnel de l’entreprise utilisatrice doivent être informés et consultés préalablement à l’accueil des salariés mis à disposition. De leur côté, les représentants du personnel de l’entreprise prêteuse doivent également être consultés préalablement au prêt de main d’œuvre et informés des différentes conventions signées.

Garanties du salarié. Pendant la période de prêt de main-d’œuvre, le contrat de travail qui lie le salarié à l’entreprise prêteuse n’est ni rompu, ni suspendu. Le salarié continue d’appartenir au personnel de l’entreprise prêteuse ; il conserve le bénéfice de l’ensemble des dispositions conventionnelles dont il aurait bénéficié s’il avait exécuté son travail dans l’entreprise prêteuse.
En outre, la mise à disposition ne peut affecter la protection dont jouit un salarié en vertu d’un mandat représentatif.

Enfin, l’entreprise prêteuse et le salarié pourront convenir que le prêt de main-d’œuvre est soumis à une période probatoire au cours de laquelle il peut y être mis fin à la demande de l’une des parties. Cette période probatoire est obligatoire lorsque le prêt de main-d’œuvre entraîne la modification d’un élément essentiel du contrat de travail.

Dans tous les cas, les salariés mis à disposition ont accès aux installations et moyens de transport collectifs dont bénéficient les salariés de l’entreprise utilisatrice.

A l’issue de sa mise à disposition, le salarié retrouve son poste de travail dans l’entreprise prêteuse sans que l’évolution de sa carrière ou de sa rémunération ne soit affectée par la période de prêt. En outre, la cessation du prêt de main-d’œuvre à l’initiative de l’une des parties avant la fin de la période probatoire ne peut, sauf faute grave du salarié, constituer un motif de sanction ou de licenciement.

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