Le point sur la validité

Le point sur la validité des avantages catégoriels

Congés supplémentaires, indemnités conventionnelles de licenciement et de préavis...La Cour de cassation s’est de nouveau penché sur la question des avantages catégoriels issus d’accords collectifs, accordés notamment aux cadres. Toute différence catégorielle de traitement doit être dûment justifiée. Et les juges du fond doivent contrôler concrètement cette justification.

Depuis des décennies, les avantages sociaux sont différenciés selon la « catégorie » professionnelle à laquelle appartient le salarié, cadre ou non cadre, pour l’essentiel. Ainsi, nombre de conventions collectives prévoient une formule de calcul de l’indemnité de licenciement plus favorable aux cadres. Cette discrimination a pu paraître choquante. Si on reprend l’exemple de l’indemnité de licenciement, le cadre, qui perçoit une rémunération supérieure à celle de l’agent de maîtrise, touchera au final une indemnité plus importante que ce dernier. Pourquoi devrait-il être avantagé une deuxième fois ? Et, cette distinction « ouvrier/ agent de maîtrise/ cadre » est spécifique à la France. Mais, en sens contraire, comment revenir sur un système qui touche aujourd’hui, tout notre système de droit social ?

Les premières décisions de la Cour de cassation

La Cour de cassation a statué sur la question de ces avantages catégoriels issus d’accords collectifs dans un arrêt remarqué du 1er juillet 2009 (n° 07-42.675), à propos de jours de congé supplémentaires réservés aux cadres par un accord d’entreprise. Elle a posé comme principe que « la seule différence de catégorie professionnelle ne saurait en elle-même justifier, pour l’attribution d’un avantage, une différence de traitement entre les salariés placés dans une situation identique au regard dudit avantage ». Cette différence doit reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence. « En se déterminant comme elle a fait, sans rechercher si l’octroi de l’avantage accordé aux cadres était justifié par des raisons objectives et pertinentes, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision (...) », a jugé la Haute juridiction. Cette décision avait soulevé d’importantes inquiétudes, certains allant même jusqu’à dire qu’elle sonnait le glas des avantages catégoriels !

La Haute juridiction a donc été amenée à préciser sa pensée, dans deux arrêts du 8 juin 2011, au sujet d’une prime d’ancienneté conventionnelle versée aux assimilés cadres, et non aux cadres (n°10-14.725), et à propos de l’indemnité compensatrice de préavis et de l’indemnité de licenciement des cadres relevant de la convention collective régionale du bâtiment et des travaux publics de la région parisienne (n° 10-11.933). Pour décider que « repose sur une raison objective et pertinente la stipulation d’un accord collectif qui fonde une différence de traitement sur une différence de catégorie professionnelle, dès lors que cette différence a pour objet ou pour but de prendre en compte les spécificités de la situation des salariés relevant d’une catégorie déterminée, tenant notamment aux conditions d’exercice des fonctions, à l’évolution de carrière ou aux modalités de rémunération ».

Dans une décision du 7 décembre 2011 (n° 10-19102), la Haute Cour a réaffirmé ces principes dégagés dans les arrêts précédents. Dans le même sens, la cour d’appel d’Angers a jugé qu’une convention collective (en l’espèce, celle des cadres et agents de maîtrise des établissements producteurs de graines de semence potagère et florale du Maine-et-Loire) pouvait prévoir une indemnité de licenciement plus favorable pour les cadres, aux motifs que cette indemnité « qui a pour objet de réparer les conséquences économiques de la perte de l’emploi, prend en compte, de façon justifiée, le fait que la rupture prive le cadre, outre sa rémunération, d’une perspective d’évolution de carrière spécifique, et de l’exercice d’une fonction définie par une responsabilité de commandement de caractère hiérarchique » (8 novembre 2011, n° 10/00514). De même, le TGI de Paris a validé, le 29 novembre 2011, l’indemnité de licenciement plus favorable, accordée aux cadres par la convention Syntec, en tenant compte également de la perte de rémunération plus importante subie par ceux-ci, mais aussi du risque de licenciement disciplinaire plus élevé auquel ils sont exposés du fait de leurs responsabilités.

Les arrêts du 28 mars 2012

Enfin, par quatre arrêts du 28 mars 2012, la chambre sociale de la Cour de cassation a statué sur plusieurs avantages catégoriels fixés par des conventions collectives. Il s’agissait de congés supplémentaires, d’une indemnité conventionnelle de licenciement et d’une indemnité de préavis plus favorables, réservés aux cadres. Ces quatre décisions reprennent la même motivation que celle de l’arrêt du 8 juin 2011. Ainsi, la haute Cour admet la validité d’avantages catégoriels conventionnels « dès lors qu’ils ont pour objet ou pour but de prendre en compte les spécificités de la situation des salariés relevant d’une catégorie déterminée, tenant notamment aux conditions d’exercice des fonctions, à l’évolution de carrière ou aux modalités de rémunération ».
Plusieurs enseignements peuvent être tirés de ces décisions. Toute différence catégorielle doit être dûment justifiée. Et il appartient aux juges du fond de contrôler cette justification. Le simple fait de se référer aux dispositions conventionnelles serait donc insuffisant. Ces différences de traitement peuvent être justifiées a posteriori.
Jusqu’à présent, le grand bouleversement tant redouté n’a pas eu lieu…même si la vigilance doit être de mise. On peut aussi se demander si ces différences catégorielles ont encore lieu d’être au XXI ème siècle et si les syndicats ne seraient pas bien inspirés de profiter de ce mouvement jurisprudentiel pour remettre à plat le système.…avant qu’éventuellement le droit européen ne s’en mêle...

Avantages accordés par décision unilatéale
En 2008, la Cour de cassation avait déjà considéré que la seule différence de catégorie professionnelle ne pouvait à elle seule justifier, pour l’attribution d’un avantage, une différence de traitement entre les salariés placés dans une situation identique au regard de cet avantage, cette différence devant reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler la réalité et la pertinence. En l’espèce, il s’agissait de titres restaurant accordés uniquement aux non-cadres, par décision unilatérale (Cass. soc., 20 février 2008, n° 05-45.601).

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