Le raccordement d'un (...)

Le raccordement d’un projet aux réseaux publics sans l’accord de la collectivité publique justifie le refus de permis de construire

Dans un arrêt récent , le Conseil d’Etat vient de confirmer qu’une Commune peut légalement refuser un permis de construire dans l’hypothèse où le pétitionnaire a lui-même réalisé, sans « autorisation administrative » préalable, les travaux de raccordement de son projet aux réseaux publics.
Les faits de l’espèce sont assez caractéristiques des difficultés que peuvent rencontrer les Communes, essentiellement rurales, face aux initiatives de propriétaires privés. C’est ainsi que, sur le territoire de la Commune de Champcella (Département des Hautes-Alpes), un propriétaire a décidé d’édifier une bergerie en zone agricole. Or, le terrain d’assiette de ce projet n’était pas desservi par le réseau d’alimentation en eau potable. Le propriétaire a donc réalisé, lui-même, le branchement au réseau public d’eau potable en installant une conduite privée de quelques 400 mètres pouvant être raccordée au « réseau public » existant.
Par arrêté municipal, le maire de la Commune de Champcella a refusé le permis de construire de la bergerie au motif qu’avait été réalisée, aux fins de desserte du terrain, une extension du réseau par une personne autre qu’une collectivité publique ou un concessionnaire, et ce sans que la Commune ait eu l’occasion de se prononcer préalablement sur l’exécution des travaux et la capacité du réseau à supporter cette extension.
Le propriétaire a contesté la légalité du refus de permis de construire devant le Tribunal Administratif de Marseille qui a rejeté son recours. Saisi en appel, la Cour administrative d’appel de Marseille a, par contre, considéré que le refus du permis de construire opposé par Monsieur le maire était illégal. Pour aboutir à cette solution assez surprenante, la Cour administrative d’appel est partie du « postulat » qu’aucune disposition du Code de l’Urbanisme n’interdit, par principe, à un pétitionnaire de relier par une conduite privée, sans « autorisation administrative » préalable, une construction à un réseau public existant. De plus, la Cour d’appel a estimé que la municipalité n’arrivait pas à démontrer que le branchement privé ne pouvait pas, pour des raisons techniques, être raccordé au réseau public. La Cour administrative d’appel a, ainsi, adopté une vision littérale de l’article L.111- 4 du Code de l’Urbanisme qui permet de refuser un permis de construire lorsqu’on se trouve dans l’incapacité de déterminer la collectivité publique ou le concessionnaire en charge de réaliser les travaux d’extension du réseau public rendus nécessaires par le projet. La position adoptée par la Cour administrative d’appel tendait donc à mettre les Communes devant « le fait accompli ». Sauf à pouvoir démontrer que le raccordement réalisé par le propriétaire privé ne respecte pas les « règles de l’art », les Communes se trouvent, si l’on suit la logique de la Cour administrative d’appel, dans l’obligation de « valider » ce raccordement au réseau public, opéré pourtant sans autorisation préalable.
Saisi en cassation, le Conseil d’Etat a, fort heureusement pour les collectivités publiques, sanctionné la position adoptée par la Cour administrative d’appel de Marseille. La haute juridiction administrative a, en effet, adopté une lecture plus finaliste de l’article 111- 4 du Code de l’Urbanisme. En l’espèce, la problématique ne portait pas, en effet, sur la question de déterminer la personne en charge de réaliser ces travaux d’extension puisque ces travaux avaient d’ores et déjà été accomplis par le pétitionnaire. En privilégiant « l’esprit de la loi » par rapport à une lecture littérale du texte, le Conseil d’Etat a, ainsi, considéré que les dispositions de l’article 111- 4 du code de l’urbanisme « poursuivent notamment le but d’intérêt général d’éviter à la collectivité publique ou au concessionnaire d’être contraints, par le seul effet d’une initiative privée, de réaliser des travaux d’extension ou de renforcement des réseaux publics et de garantir leur cohérence et leur bon fonctionnement, sans prise en compte des perspectives d’urbanisation et de développement de la collectivité ». La haute juridiction administrative poursuit sa démonstration en rappelant qu’aucune « modification de la consistance d’un des réseaux publics (…) ne peut être réalisé sans l’accord de l’autorité administrative compétente ». Dès lors, le Conseil d’Etat considère que le maire peut « refuser de délivrer le permis de construire sollicité pour un projet qui exige une modification de la consistance d’un réseau public qui, compte tenu de ses perspectives d’urbanisation et de développement, ne correspond pas aux besoins de la collectivité ou lorsque des travaux de modification du réseau ont été réalisés sans son accord ».
Voilà donc une jurisprudence, que l’on peut qualifier de logique, et qui permet aux communes de continuer à piloter leurs politiques d’extension des zones d’urbanisation et d’éviter de se retrouver devant le « fait accompli » en devant assumer les initiatives de riverains qui souhaitent se raccorder, pour des raisons totalement privées, aux réseaux publics.

deconnecte