NTIC et droit au secret

NTIC et droit au secret des correspondances sur le lieu de travail

Dans un arrêt du 19 juin 2013 (n°12-12.138) la Cour de cassation précise que les e-mails des salariés ne sont pas identifiés
comme personnels du seul fait qu’ils émanent de leurs messageries électroniques personnelles.

Le principe : le droit au secret des correspondances

Dans un arrêt Nikon du 2 octobre 2001 considéré comme fondateur
sur cette question, la Cour de cassation a considéré que le salarié
avait droit, même au temps et au lieu du travail, au respect de l’intimité
de sa vie privée, laquelle implique en particulier le secret des
correspondances.
En application de ce principe, l’employeur ne peut donc, sans violation
de cette liberté fondamentale, prendre connaissance du contenu
des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à
un outil informatique mis à sa disposition pour son travail et ce, même
au cas où l’employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle
de l’ordinateur.
A l‘inverse, s’il s’agit d’un fichier ou d’un dossier considéré comme
professionnel, l’employeur peut librement y accéder sans l’accord et
hors la présence du salarié.

Les différentes étapes aboutissant à une large atténuation du principe d’origine

La Cour de cassation a d’abord précisé que les dossiers et fichiers
créés par un salarié grâce à l’outil informatique mis à sa disposition
par son employeur pour effectuer son travail sont présumés avoir un
caractère professionnel, de sorte que l’employeur peut y avoir accès
hors sa présence. Ce n’est donc que par exception, c’est-à-dire si le
salarié identifie des dossiers ou fichiers comme étant personnels, que
le principe du secret des correspondances trouve à s’appliquer.
Force est de constater que la cour de cassation a ensuite progressivement
retenu une interprétation pour le moins restrictive de la reconnaissance
de fichiers « personnels ».
Ainsi n’ont pas un caractère personnel mais professionnel des fichiers
intitulés "essais divers, essais divers B, essais divers restaurés" (Cass.
soc. 15 décembre 2009), un dossier nommé “Alain” (Cass. soc. 8 décembre
2009), un répertoire nommé “JM” pour “Jean-Michel” (Cass.
soc. 21 octobre 2009).
Dans le même esprit, la seule dénomination "Mes documents" donnée
à un dossier de l’ordinateur ne lui confère pas un caractère personnel.
Un tel dossier existe en effet par défaut dans les systèmes
d’exploitation de Microsoft Windows pour regrouper le plus souvent
les fichiers de l’utilisateur sur le disque dur de l’ordinateur (Cass. soc.
10 mai 2012). La dénomination donnée au disque dur lui-même ne
peut conférer un caractère personnel à l’intégralité des données qu’il
contient, par exemple la dénomination "D :/données personnelles"
(Cass. soc. 4 juillet 2012).

L’arrêt du 19 juin 2013 s’inscrit dans cette lignée jurisprudentielle qui semble constante

L’arrêt du 19 juin 2013 confirme la tendance précitée. Certes, il rappelle
le principe selon lequel les dossiers et fichiers créés par un salarié
grâce à l’outil informatique mis à sa disposition pour l’exécution
de son travail sont présumés, sauf si le salarié les identifie comme
étant personnels, avoir un caractère professionnel de sorte que l’employeur
peut y avoir accès hors sa présence.
Mais cet arrêt précise ensuite que des courriels et fichiers intégrés
dans le disque dur de l’ordinateur mis à disposition du salarié par
l’employeur ne sont pas identifiés comme personnels du seul fait qu’ils
émanent initialement de la messagerie électronique personnelle du salarié.
Dès lors, l’employeur pouvait légitimement en prendre connaissance
sans atteinte au respect de la vie privée.
En conclusion, d’aucuns pourraient s’offenser que cette jurisprudence
rende illusoire l’application du principe du droit à l’intimité de la vie
privée et du respect du secret des correspondances du salarié sur son
lieu de travail, s’agissant de l’utilisation des outils informatiques mis à
sa disposition. Pour autant, s’agissant d’outils à usage professionnel
mis à la disposition du salarié par l’entreprise pour l’exercice de son
activité professionnelle, est-ce vraiment si choquant ?

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