Promesses de F. Hollande

Promesses de F. Hollande : le patronat entre exultation et méfiance

La suppression des cotisations familiales et la baisse des dépenses publiques, annoncées par François Hollande, sont pour le Medef des bonnes nouvelles. Mais l’organisation patronale craint des revirements, des amendements et des renoncements.

Les patrons ont apprécié la « conversion » sociale-démocrate de François Hollande, confirmée lors de la conférence de presse du14 janvier. « Keynes tué d’une balle dans la nuque ! », a lâché froidement Geoffroy Roux de Bézieux, numéro 2 du Medef. La suppression des cotisations familiales versées par les employeurs, d’ici 2017 ? « Enfin ! », a renchéri l’ancienne présidente de l’organisation patronale, Laurence Parisot, que la conférence de presse de l’Elysée a fait sortir de sa réserve. Le « pacte de responsabilité » et les autres mesure annoncées « vont dans le bon sens », assure pour sa part son successeur, Pierre Gattaz, lors de son point de presse mensuel, le 15 janvier. L’harmonisation fiscale avec l’Allemagne, la baisse des coûts du travail et des dépenses publiques témoignent d’une « prise en compte de la réalité de la France », poursuit le patron des patrons, qui qualifie à plusieurs reprises le propos du chef de l’Etat de « bon discours », puis de « très bon discours ». Puis, le 17 janvier, Pierre Gattaz affirme, sans craindre d’embarrasser le Parti socialiste, que l’organisation qu’il préside est la principale source d’inspiration du président de la République et qu’il lui a servi son « pacte de responsabilité », il y a quelques mois, « sur un plateau ».

L’Everest ou la Butte aux cailles ?

Mais cet enthousiasme bute sur la suite qui sera donnée aux engagements présidentiels. « Nous ne savons pas s’il s’agit de grimper l’Everest ou de monter sur la Butte aux cailles », regrette Pierre Gattaz qui a passé « une partie de la nuit » à relire les propos de François Hollande. Si l’ambition est bien le toit du monde (8 848 mètres), alors, « il faudra créer les conditions d’un regain de compétitivité des entreprises ». En revanche, pas besoin de tout cela pour gravir la petite colline du 13ème arrondissement de Paris (63 mètres)...
Le Medef, qui assure être « mobilisé pour l’Everest », rappelle qu’en France, le taux de marge des sociétés stagne à 28%, alors que la moyenne européenne est fixée à 40%, et que l’Allemagne affiche 42%. En contrepartie d’un abaissement de charges de 100 milliards d’euros, l’organisation espère la création d’« un million d’emplois d’ici 2020 », ce qui permettrait de faire baisser le taux de chômage à 8 ou 9%, au lieu de 11% actuellement.

Derrière Pierre Gattaz, pendant son point à la presse, ont été dressés deux oriflammes, d’un jaune un peu sale, sur lesquels figurent des inscriptions « 1 million d’emplois ». A la sortie, on distribue aux journalistes un pin’s portant le même slogan. Le lendemain, Arnaud Montebourg exige toutefois du Medef qu’il double la mise, afin de ramener le taux de chômage à 7%. « 100 milliards pour 1 million d’emplois, ce n’est pas cher payé, ça fait 100 000 euros par emploi, soit beaucoup plus que les contrats aidés », assure le ministre du Redressement productif.

Le ministre ne s’attend sans doute pas à obtenir gain de cause. Car le patronat se garde bien de « s’engager juridiquement » à créer des emplois. « C’est impossible », tranche Pierre Gattaz, qui précise d’ailleurs, en marge de son point presse, qu’il ne signerait pas non plus, dans son entreprise, « l’embauche de 100 personnes demain matin ». La direction du Medef s’est contentée d’envoyer une « lettre » à ses adhérents, que ses organisations territoriales comme ses fédérations professionnelles, ont signée.
Selon le patronat, les « poches » de créations d’emploi ne manquent pas : « la terre est peuplée de 7 milliards d’individus qui ont besoin de satellites, d’avions, de voitures… » Les secteurs d’activité en croissance potentielle sont identifiés : « la santé, la sécurité, la transition énergétique, le tourisme ». Mais le développement économique ne se fait jamais linéaire ni sans accroc : « dans d’autres filières, ce sera peut-être de la destruction ».
Pour le Medef, l’engagement présidentiel implique « la confiance, la ténacité dans l’effort ». Il s’agit aussi d’« éviter les zigs et les zags », claironne le dirigeant patronal, qui cible autant le goût très « hollandais » de la synthèse que les réticences des parlementaires de la gauche du Parti socialiste face au virage « libéral » du Président. « Si des amendements, ou des mesures nouvelles, détruisent les efforts qui se font mètre par mètre, nous allons ruiner l’exercice », précise le patron des patrons. Le nouveau positionnement de François Hollande donne d’ailleurs des ailes au Medef, qui en profite pour réclamer « la transposition intégrale du texte sur la formation professionnelle » et refuser « de nouvelles cotisations qui seraient décidées dans le cadre de la loi Sapin sur le financement des organisations patronales et syndicales ».

Des réformes et des obstacles

Le pacte de responsabilité devrait en revanche déboucher « naturellement » sur une simplification administrative ou sur des réformes attendues depuis longtemps et préconisées, notamment, par la Cour des comptes, estime le patron des patrons. La France, « troisième nation touristique en volume, sixième en dépenses », pourrait accueillir « des touristes asiatiques, ce qui profiterait aux restaurants, aux magasins ». Mais pour cela, « il faudrait peut-être se poser la question de l’ouverture des commerces après 21 heures et le week-end »… De même, Pierre Gattaz souhaite demander « à nos amis fonctionnaires, par exemple les infirmières et les médecins », à quels endroits ils visualisent la possibilité de faire des économies.

La réforme de l’organisation territoriale, que Laurence Parisot avait longtemps appelée de ses vœux, devra encore attendre. Le 14 janvier, François Hollande envisageait le regroupement des 22 régions en 15 entités. Deux jours plus tard, son Premier ministre évoquait la suppression des trois départements de la petite couronne d’Ile-de-France. Las, en quelques jours à peine, plusieurs signes ont montré que toute réforme buterait sur de sérieuses objections. Des présidents de région ont fait savoir qu’il n’était pas question de « découper » « leur » territoire. Patrick Devedjian, président du Conseil général des Hauts-de-Seine, s’est prononcé pour une fusion mais avec… « le département des Yvelines », et non la Seine-Saint-Denis ou le Val-de-Marne. Jean-Marc Ayrault a refusé immédiatement tout redécoupage concernant la région Pays-de-la-Loire dont il fut longtemps élu. Quant au président de la République lui-même, il a fini par annoncer, le 18 janvier, à Tulle, qu’il n’était pas question de supprimer les départements…

deconnecte