Stages en entreprises :

Stages en entreprises : ce qui va changer

Après l’accord signé le 7 juin par les partenaires sociaux, le législateur, encadre une fois de plus les stages en entreprise. Revue des nouvelles dispositions de la loi pour le développement de l’alternance et la sécurisation des parcours professionnels, publiée fin juillet.

Cadre juridique renforcé

Le régime juridique des stages en entreprise est renforcé afin que ceux-ci ne puissent plus être utilisés par certaines entreprises pour remplacer des embauches en contrats à durée indéterminée. Les stages doivent ainsi faire l’objet d’une convention entre l’entreprise d’accueil, le stagiaire et l’établissement d’enseignement dont il est issu, et ont obligatoirement lieu dans le cadre d’un cursus pédagogique scolaire ou universitaire (art. L 612-8 al 2 du Code de l’éducation).
Les stages ne peuvent avoir pour objet l’exécution d’une tâche régulière correspondant à un poste de travail permanent dans l’entreprise (art. L 612-8 al 3 du Code de l’éducation). Cette mesure rappelle les termes de l’article L 1242-1 du Code du travail en matière de contrat à durée déterminée (quel que soit son motif, un CDD ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise).
L’accueil successif de stagiaires, au titre de conventions de stage différentes, pour effectuer des stages à un même poste n’est possible qu’à l’expiration d’un délai de carence égal au tiers de la durée du stage précédent, sauf si le stage précédent a été interrompu, avant son terme, à l’initiative du stagiaire. Autrement dit, s’il embauche un stagiaire pendant six mois, un employeur devra attendre deux mois avant de faire appel à un autre jeune sur le même poste. Reste à savoir si la mesure sera effectivement appliquée. D’aucuns ont en effet souligné que rien n’empêcherait les employeurs de changer l’intitulé des contrats, ou de répartir les tâches de l’ancien stagiaire sur de nouvelles recrues.
Tous les stages d’une durée supérieure à deux mois, consécutifs ou non, au cours d’une même année scolaire ou universitaire, doivent donner lieu à gratification et ce, dès le premier jour (art. L 612-11 du Code de l’éducation). La gratification est versée mensuellement.
L’entreprise qui accueille des stagiaires doit créer un registre des conventions de stage indépendant du registre unique du personnel de l’entreprise, pour centraliser les informations disponibles relatives aux stagiaires et aux postes qu’ils occupent, dans des conditions fixées par décret.

Le rapport que l’employeur remet chaque année au comité d’entreprise (CE), dans les entreprises de moins de 300 salariés, pour l’informer sur la situation économique de l’entreprise, notamment sur le recours au temps partiel, l’évolution de l’emploi et des salaires, la situation comparée des hommes et des femmes... (art. L. 2323-47 du Code du travail) devra désormais indiquer le nombre et les conditions d’accueil des stagiaires dans l’entreprise. De même, l’employeur, dans les entreprises de plus de 300 salariés, informe, tous les trimestres, le CE sur différents sujets : évolution des équipements et des méthodes de production, situation de l’emploi, recours aux CDD ou à l’intérim, etc (art. L. 2323-51). Cette liste est complétée avec le nombre et les conditions d’accueil des stagiaires dans l’entreprise, ainsi que les tâches qui leur sont confiées.
Ces mesures devraient fournir aux stagiaires une sérieuse base légale aux actions menées devant les prud’hommes, en cas d’abus.

Durée des stages

L’article 30 de la loi du 24 novembre 2009 relative à « l’orientation et à la formation tout au long de la vie » précisait que les stages devaient être « intégrés à un cursus pédagogique ». Cette notion a été définie par le décret n° 2010-956 du 25 août 2010. L’Assemblée Nationale avait voté un amendement suivant lequel un même stagiaire ne pouvait effectuer plus de six mois de stage, dans la même entreprise, dans une année, à l’exception des étudiants décidant d’interrompre momentanément leurs études, dans le cadre d’une année de césure. Les sénateurs avaient ajouté une dérogation à cette limitation pour les stages de longue durée intégrés dans le cursus des formations de l’enseignement supérieur. Afin de respecter la volonté des partenaires sociaux, tout en conservant la possibilité des stages qui durent souvent jusqu’à un an, dans les cursus de certaines « grandes écoles », ou pour la formation de professions réglementées, la commission mixte paritaire a substitué à la formule consacrée par le Sénat, « une dérogation mieux encadrée, au bénéfice des seuls stages prévus, inscrits dans des cursus pluriannuels ».
Désormais, l’article L 612-9 du Code de l’éducation prévoit que « la durée du ou des stages, effectués par un même stagiaire, dans une même entreprise, ne peut excéder six mois par année d’enseignement ». Des dérogations sont possibles « dans des conditions fixées par décret, au bénéfice des stagiaires qui interrompent momentanément leur formation afin d’exercer des activités visant exclusivement l’acquisition de compétences en liaison avec cette formation, ainsi que dans le cas des stages prévus dans le cadre d’un cursus pluriannuel de l’enseignement supérieur ».

Nouveaux droits des stagiaires

Si rien n’est prévu sur la question du chômage ou des retraites, en revanche, certaines avancées ont été votées. Les stagiaires pourront ainsi bénéficier des activités sociales et culturelles gérées notamment par le CE, au même titre que les salariés.
L’article L. 1221-24 du Code du travail prévoyait que lorsqu’un stagiaire était embauché dans l’entreprise à l’issue d’un stage intégré à un cursus pédagogique et réalisé dans le cadre de sa dernière année d’études, la durée du stage était soustraite à la période d’essai dans la limite de la moitié, sauf accord collectif prévoyant des stipulations plus favorables. La loi nouvelle élargit le bénéfice et la portée de cette mesure : celle-ci s’ applique aux embauches réalisées dans les trois mois suivant l’issue du stage, et non plus seulement à celles qui lui sont directement consécutives ; la période d’essai peut être amputée de la totalité de la durée du stage, si l’embauche pourvoit un emploi qui correspond aux activités précédemment confiées au stagiaire.
Sur ce dernier point, l’accord national interprofessionnel du 7 juin dernier utilise une formulation plus restrictive ; la déduction intégrale n’étant possible que si l’embauche intervient « dans une activité professionnelle correspondant aux activités qui ont été confiées au stagiaire, en fonction des objectifs de formation définis dans sa convention de stage ». Toutefois, comme remarqué lors du passage du texte au Sénat, « malgré la signature d’une convention de stage, aussi précise soit-elle, c’est l’entreprise et non le stagiaire qui décide concrètement quelle sera son affectation. Il est donc possible qu’il ait à exercer des tâches qui ne correspondent pas à celles convenues. Le rapport de force entre l’employeur et le stagiaire est tel que celui-ci n’osera que très rarement critiquer cette décision » (rapport n° 659, 2010-2011).
Enfin, lorsque le stagiaire est embauché par l’entreprise à l’issue d’un stage de plus de deux mois, la durée de ce stage est prise en compte pour l’ouverture et le calcul des droits liés à l’ancienneté (art. L 1221-24 du Code du travail).

Politique des petits pas ?

La modification de la législation sur les stages était rendue obligatoire avec la signature des dispositions de l’accord sur les stages en entreprise et sur l’apprentissage conclu début juin entre partenaires sociaux. A cette occasion, la CFTC avait évoqué un texte qui "n’est pas la panacée" mais "s’inscrit dans la politique des petits pas".
Polémique sur la durée des stages
Pour le gouvernement, la notion de « stages inscrits dans des cursus pluriannuels », apporte « davantage d’équilibre (...) et prémunit davantage encore les étudiants des risques d’abus. D’abord, les stages de plus de six mois devront être prévus dans le cadre du cursus universitaire ; ensuite, ce cursus devra être pluriannuel ; enfin, un décret pourra, si nécessaire, affiner davantage les conditions ». Certaines associations, en revanche ont considéré cet ajout comme une reculade. « Quels sont les apports pédagogiques d’une formation prévoyant des stages de plus de six mois ? » s’est ainsi insurgée la Fage, Fédération des associations générales étudiantes.

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