De la patéologie à l'épato

De la patéologie à l’épatologie

Savez-vous pourquoi l’actualité politique a été aussi calme ce week-end ? Autant éclairer tout de suite votre lanterne : parce que la plupart de nos éminences se trouvaient à Lausanne. Oui, Lausanne en Suisse. Pas pour faire le point avec leur banquier sur les petites économies qu’ils auraient planquées là-bas : la loi française est désormais rigoureuse avec l’argent nomade. Il n’est plus possible de planter sa tente dans les champs de coffres-forts helvétiques sans divulguer aux services fiscaux l’emplacement de la yourte et les plans de sa tirelire. Et nos élus sont bien trop respectueux de la loi qu’ils votent pour y déroger. Non, ce qui les a attirés à Lausanne, c’est la deuxième édition du Championnat du monde du pâté en croûte. Une épreuve inventée par un Français, habile professionnel de la mercatique et probablement affligé d’un déficit de cholestérol. Qui à ces divers titres tente de conférer ses lettres de noblesse à une discipline immémoriale mais sous-estimée : la patéologie.

Qu’est-ce qui distingue le pâté en croûte contemporain de son homologue de l’Antiquité ? Pas le contenu : on continue de recycler toutes les cochonneries que les chiens rejettent sur le bord de leur écuelle. C’est surtout la croûte qui fait la différence. Autrefois, on en faisait une sorte de béton, armé d’épices odorantes pour assurer la conservation et masquer la pestilence. Ce n’était pas un pâté, mais une terrine encroûtée. Aujourd’hui, tout se mange, comme l’explique l’organisateur de la compétition, dont l’objectif est de « trouver l’accord parfait entre pâte et farce, fin et gras, texture et moelleux, épaisseur et finesse ». Du grand art, qui permet de servir un pâté qui «  libère tous ses arômes au moment où on le coupe  ». On comprend sans peine que les secrets de la patéologie intéressent au premier chef le personnel politique, condamné à concocter chaque jour une communication appétissante avec les reliefs d’une réalité putride. Il faut suffisamment de gras pour faire glisser la préparation, un peu de finesse pour exciter les papilles neuronales, une bonne dose d’épices pour anesthésier le sens critique et le maximum d’épate dans l’emballage. Tout en évitant les risques d’indigestion, voire d’empoisonnement. Pas facile. Voilà ce qui explique l’intérêt grandissant pour la pathologie de la patéologie : l’espoir d’améliorer les techniques de l’épatologie.

La recette du jour

Pâté de réputation en croûte

Vous traînez une batterie de casseroles et redoutez le tintouin. Confectionnez une farce de non-dits rances et de mensonges frais, largement graissée de poncifs mal équarris. Incorporez une once de vérités premières pour la finesse, puis une louche de flagorneries en pommade pour le moelleux. Epicez à volonté et même au-delà. Cuisez dans un moule médiatique généreusement beurré et foncé d’une pâte feuilletée d’illusions chamarrées. Servez en tranches au JT de 20 heures.

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