La diversité bonzaï

La diversité bonzaï

« Il y a des siècles où l’opinion publique est la plus mauvaise des opinions » écrivit Chamfort, sans que l’on sache vraiment à quels siècles il faisait référence. Sans doute pas au sien, qui vit l’éclosion de la Révolution à laquelle il adhéra avec enthousiasme, avant d’être victime de ses excès policiers. Mais la maxime est semble-t-il adaptée aux temps présents : une majorité de Français se déclare favorable aux présentes protestations contre la réforme de la retraite, laquelle est pourtant aussi nécessaire à la pérennité du système que le garrot l’est à la survie de l’hémorragique. Et « la plus mauvaise des opinions » pourrait se renforcer au constat que les Parlementaires viennent, sous la pression de la même opinion publique, de dégager un consensus total à la « réforme » de leur propre régime, considéré comme exceptionnellement favorable. Ce qui, du reste, se justifie dans l’esprit originel de la démocratie élective : une récompense à ceux qui renoncent aux bienfaits de la vie civile pour consacrer une partie de leur carrière à l’intérêt général. C’était vrai, en tout cas, en des temps où le traitement des élus s’apparentait davantage à une indemnité qu’à une rémunération. Aujourd’hui, tel n’est plus vraiment le cas.

Si bien que les arguments avancés par le Président de l’Assemblée, pour justifier le maintien d’un régime nettement dérogatoire, vont immanquablement être perçus comme dénués de bonne foi : « Il s’agit de veiller à ce que les citoyens qui choisissent de devenir des élus de la Nation n’abandonnent pas ce projet pour des raisons matérielles. Il faut veiller à ce que la diversité socioprofessionnelle de l’Assemblée soit autant que possible préservée » a-t-il déclaré. Bon, bon : si l’on en croit une étude du CNRS réalisée sur la composition de l’Assemblée de 2006, la « diversité socioprofessionnelle » n’était pas réellement évidente : 2.4% d’employés et 0.9% d’ouvriers. Une diversité bonzaï. Et ceux qui « choisissent de devenir des élus de la Nation », pour une large part d’entre eux, ont de bonnes raisons de le faire pour… les conditions matérielles que leur offre le statut. Il ne faut donc pas s’étonner si les populations perdent confiance dans leur représentation politique, une « classe » suspecte de se préoccuper principalement de ses propres intérêts – quelle que soit la faction concernée. Si l’opinion publique est la plus mauvaise des opinions, c’est peut-être parce que les élus n’ont plus d’opinions défendables. Ou s’ils en ont, ne les défendent pas.

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