Un contre un million

Un contre un million

Autrefois, la mesure d’une manifestation étaient parfaitement au point. En cas de « mobilisation massive », tout le monde comprenait qu’il y avait le feu au lac ; si au contraire la participation était jugée simplement « satisfaisante » par les syndicats, le gouvernement pouvait sabler le champagne. Et pour permettre les débats immémoriaux sur le thème du verre à moitié vide ou à moitié plein, on disposait d’une petite panoplie de sous-mesures des cortèges, entre la « taille significative » et les « groupes clairsemés » – cette dernière unité étant utilisée à des fins délibérément polémiques. Ainsi, avec quelques adjectifs bien choisis, chacun pouvait se faire une idée assez précise de l’acuité des revendications.

Aujourd’hui, deux entités sont chargées de dénombrer les manifestants : la Police et les « organisateurs ». L’information est-elle plus précise ? Que nenni : les résultats varient du simple au triple (dans le meilleur des cas). Si bien que pour le pékin, une manif monstre ou une procession à Solutré, c’est kif-kif. De fait, il semble bien que cette forme de protestation soit désormais reléguée au rang du rituel un peu barbant, dans une « religion de la lutte » à laquelle personne ne croit plus. Quand bien même les cortèges auraient-ils, hier, rassemblé un million de personnes (selon les syndicats), l’esprit était absent : une pluie désobligeante a rincé les manifestants et un soleil radieux a illuminé la Bourse. Ce qui tendrait à démontrer que les dieux de la météo sont favorables à l’allongement de la carrière, et que les dieux de l’argent s’en tapent allègrement.

Le pire n’est pas que le CAC 40 ait gagné ce même jour près de 3.5%, comme si les financiers se moquaient de manifestants exposés en vain à la grippe. En réalité, le rebond des marchés (toutes les places ont fortement progressé) provient de la déclaration laconique d’une seule personne : le Gouverneur de la Banque de Chine, qui a démenti mollement le Financial Times et ses allégations – malveillantes mais pas nécessairement fausses. Selon lesquelles la Chine serait préoccupée par son exposition à l’euro et chercherait les moyens de se défausser auprès de banquiers étrangers. Pour les Bourses, les dénégations d’un seul Chinois, de surcroît praticien statutaire de la langue de bois, valent infiniment plus que les protestations d’un million de Français. Déroutant. Que l’on porte donc l’âge de la retraite à 70 ans : la Bourse montera sans que le Gouverneur de la Banque de Chine soit obligé de mentir effrontément.

La recette du jour

Antigrippe cornélien

Dans un bol épais, mettez deux cuillères à café de miel, un jus de citron, un petit verre à liqueur de rhum (si vous êtes policier) ou une bouteille de vodka (si vous êtes cégétiste). Complétez (éventuellement) avec de l’eau bouillante, buvez d’un trait et gagnez votre lit. Si vous vous voyez trois mille en arrivant à bon port, évitez le mal aux cheveux par le prompt renfort d’un Alka-Seltzer.

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