Scènes de ménage

Scènes de ménage

« En Belgique, la situation politique est désespérée, mais pas grave ». Cette boutade, les Belges la savourent entre eux depuis des lustres. Trois régions, dix provinces qui en dépendent, le tout coiffé par un Etat fédéral sous le régime de la monarchie constitutionnelle ; trois Communautés différenciées par la langue (néerlandais, français, allemand) qui vivent leurs particularités culturelles sous le sceau de l’affrontement permanent : une pâtisserie politique qui mêle les ingrédients d’un autre temps aux techniques réputées modernes de l’organisation fédérale. Lesquelles sont supposées préfigurer la structure que devrait adopter l’Europe selon les vœux de ses plus chauds militants. Aujourd’hui, les désordres générés par la crise renforcent les menaces de divorce dans un ménage depuis longtemps brinquebalant ; l’autorité morale du patriarche royal ne suffit plus au rabibochage des conjoints, mutuellement excédés par leur cohabitation. Maintenant que les enfants ont grandi dans un foyer sans amour, et qu’ils sont enclins à prendre parti dans la querelle, ne reste plus qu’à régler la question patrimoniale pour consacrer la séparation. Et à fixer les indemnités compensatoires – le sujet de loin le plus épineux.

A l’exception de l’Italie et de l’Espagne, exposés à des difficultés du même ordre, les scènes de ménage belges ne suscitent, dans les autres Etats européens, que des commentaires amusés voire condescendants. Et pourtant, les affaires du Royaume représentent une assez bonne métaphore des tensions perceptibles au sein de la Zone, qui pourraient bien déboucher, un jour ou l’autre, sur des querelles séparatistes. La faction flamande est culturellement proche de la rigoureuse Allemagne, dont l’opinion publique fustige le comportement irresponsable des pays « Club Med », peuplés de cigales comme la Wallonie, que d’aucuns suggèrent de longue date de rattacher à la France. On ne sait s’il faut se réjouir à la perspective d’une extension territoriale qui, une fois n’est pas coutume, s’opérerait de façon pacifique. Car se poserait la question épineuse de savoir qui hériterait de la famille royale. Les Flamands, qui se montrent rigoureux dans la gestion de leurs deniers, hésiteraient devant l’investissement. Rien à attendre des Français, qui dans le passé se sont montrés irrespectueux à l’égard des monarques. Peut-être peut-on proposer aux Basques d’instaurer chez eux un royaume : cela résoudrait deux problèmes d’un coup. Mais l’affaire n’est pas gagnée d’avance.

La recette du jour

Matoufet wallon

Le matoufet est un plat frugal, caractéristique de la culture wallonne. Il se compose de lait écrémé (les Flamands conservent la crème), de quelques lardons (les Flamands conservent le maigre) et d’un peu de farine (achetée à prix d’or aux Flamands). Faites frire les lardons, mouillez avec le lait, ajoutez la farine. Vous obtenez une bouillie qui vous fera regretter de ne pas parler le néerlandais.

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