Cannes et l'air du (...)

Cannes et l’air du temps

Voilà au moins une manifestation qui ne donnera pas lieu à l’habituelle querelle de chiffres : il n’y a eu qu’une Palme d’Or à Cannes, selon les organisateurs et selon la police. Pas de fumigène ni de baston. Et personne n’a été appréhendé. Pas même le Président d’un jury déclaré « ambitieux » dans ses choix, voire sulfureux, et soutien inattendu de l’exception culturelle, « le meilleur moyen de préserver la diversité du cinéma ». De la part de Spielberg, champion des grandes machineries dont Hollywood a le secret, cette courtoise validation des ambitions françaises pourrait surprendre. Mais il ne faut pas s’y tromper : les ingrédients consensuels du cinéma « mondial » américain continueront de faire les grosses recettes du 7ème Art, appréhendé dans sa dimension industrielle. Quant à La Vie d’Adèle de Kechiche, on peut, sans l’avoir visionné, lui prédire un simple succès d’estime : il dure trois heures, de quoi décourager tout exploitant de salle attentif à ses comptes. Et les scènes « osées » encourageront la censure à abattre, un peu partout, son bras vengeur.

Ce n’est pas pour autant que le grand public soit hermétique au thème de l’homosexualité. Si certains dogmes religieux en font encore un délit passible des peines les plus lourdes, les sociétés occidentales font désormais preuve de bienveillance à son égard. Avec toutefois de fortes réticences face à sa normalisation, comme en témoignent les événements récents sur notre territoire. Ce contexte remet en mémoire la réflexion éclairante de Jacques Bainville : « La plus grande erreur des propagandistes, c’est de vouloir compromettre ceux qui ne les combattent pas ». Pour rester sur le terrain de l’art cinématographique, on se doit de contester certaines allégations selon lesquelles Cannes aurait, pour la première fois, récompensé un film « qui parle ouvertement d’homosexualité ». En 1971, Visconti obtint le Prix spécial du 25ème anniversaire du Festival, pour Mort à Venise. Sauf qu’avec Adèle, ce sont des filles qui sont en scène, que l’amour n’y est pas platonique, que le décor n’est pas la Venise romantique et que personne ne meurt. Si Luchino avait tourné son film aujourd’hui, il aurait sans doute dû marier à Montpellier un Gustav Aschenbach vieillissant et le beau Tadzio. Sans quoi son œuvre eût été jugée ringarde et cucul la praline. Le fantasme et l’interdit ne font plus recette, coco, ni les considérations alambiquées de Thomas Mann sur la place de l’esprit et des sens dans la perception de la Beauté dans l’Art. Dont acte.

La recette du jour

Cinéma et éducation

Vous êtes parent d’adolescentes que la chimie hormonale soumet aux interrogations lancinantes de cet âge sur l’identité sexuelle. Surveillez de près leurs sorties au cinéma : Cendrillon et Transformers sont recommandés. Mais dès que La Vie d’Adèle sortira en salle, programmez une longue virée familiale sur l’Annapurna. Ou la traversée du désert de Gobi. Et attendez que l’orage passe.

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