Eloge du tourisme univers

Eloge du tourisme universitaire

Les mauvaises langues peuvent ravaler leurs perfidies : notre pays se mobilise bel et bien pour accueillir les étudiants étrangers. Pour preuve : l’Agence Campus France, un établissement public créé en 2010 et devenu opérationnel à la dernière rentrée universitaire, est maintenant chargé de « la promotion de l’enseignement supérieur, de l’accueil et de la gestion de la mobilité internationale des étudiants, des chercheurs, des experts et des invités  ». Et cette Agence s’active : elle vient de publier un « Abécédaire de la vie quotidienne et étudiante en France », qui témoigne surtout de la façon dont les Français perçoivent leur propre pays, avec l’humilité légendaire qui réjouit tant les Etrangers. Ainsi débute l’opuscule : « Tous les étudiants étrangers le vivent : arriver en France, c’est la rencontre entre l’imaginaire et la réalité ! ». Le pays des merveilles, en quelque sorte, qui ne se distingue pas par l’excellence de son enseignement (nulle part n’est mentionnée la réputation éventuelle de ses Ecoles et Universités), mais par son «  vivre autrement », ce mélange d’histoire glorieuse, de gastronomie légendaire et de paysages aussi variés que ses fromages. Une façon de présenter l’enseignement à la française comme la forme la plus raffinée du tourisme culturel. On se permettra une suggestion aux rédacteurs de l’Abécédaire : au lieu d’une « rencontre », la découverte de notre pays illustre plutôt la «  collision » entre l’imaginaire et la réalité – une spécialité immémoriale de la culture hexagonale.

Il n’empêche que l’Abécédaire révèle la quantité incroyable d’acronymes et de mots-clefs qu’un étudiant doit assimiler, sous peine de se trouver complètement largué. Et le guide insiste sur les rites incontournables qui permettent à l’Etranger de se socialiser. Parmi lesquels l’apéro, qui mérite une place aussi importante sur l’agenda que le calendrier des TP. Il était également important de signaler au nouvel arrivant que le Français s’oblige à la discipline extravagante de trois repas par jour, mais qu’une vieille tradition – le souper – a « malheureusement disparu ». Ce qui est inexact : les étudiants étrangers et autres touristes maintiennent l’usage du souper, composé principalement d’huîtres fines et de flots de champagne, pris en galante compagnie après le spectacle. Cette épreuve ne permet pas, malheureusement, de valider un quelconque doctorat. Enfin, on notera que l’Abécédaire anticipe largement sur l’avenir. Car il attribue 31 membres à l’UE, ce qui est un tantinet inflationniste en dépit de l’intégration récente de la Croatie. Et peut-être un tantinet optimiste, au constat que certains membres de l’Union pourraient abandonner la maison commune avant que l’étudiant n’ait achevé son cycle touristique. Et soldé sa note au Café de Flore.

La recette du jour

CV à la française

Vous avez la malchance d’être né ailleurs qu’en France. C’est dramatique, mais ne vous lamentez pas. Exigez de vos parents qu’ils financent vos études universitaires à Paris. Les inscriptions y sont bon marché ; les diplômes aussi. Vous n’y apprendrez pas grand-chose, mais vous deviendrez maître dans l’art ruineux du souper à la française.

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