Externalisation, piège à

Externalisation, piège à canons

Nul ne peut ignorer que depuis des lustres, les règles de la bonne gestion imposent « d’externaliser ce qui n’est pas le cœur du métier ». Il faut être capable de sous-traiter les tâches auprès de tiers qui s’en acquitteront aussi bien, et à moindre coût. Pour être un industriel « moderne », il faut avoir son propre bureau à Paris (pour la douceur de vivre), son siège social à Dublin (pour la douceur des impôts), sa comptabilité à New Dehli (pour la douceur de Vishnou) et ses petites économies à Singapour (pour la douceur de la discrétion). Et les usines ? Oh, ne vous embêtez pas avec ces machins encombrants et salissants : les Chinois font ça très bien. Voilà pourquoi l’entreprise idéale est devenue virtuelle : elle ne possède rien d’autre qu’une équipe de direction chèrement rétribuée, qui spécule sur le nomadisme des différentes composantes de l’activité. C’est ça le business, coco. Compris ?

Depuis le temps que les stratèges d’opérette nous expliquent qu’un Etat doit être géré comme une entreprise, il était fatal que les gouvernements se convertissent à l’externalisation. Ce sont paradoxalement les premiers à en supporter les dommages collatéraux, conformément à la pratique comptable du LiFo (Last in, First out). Avec deux exemples éclairants lors du sommet européen d’hier. Pour avoir délégué la collecte de leurs ressources budgétaires aux marchés financiers, de nombreux Etats ne possèdent désormais plus que des dettes. Ainsi le Portugal est-il menacé d’expropriation, soit par les créanciers, soit par l’Union qui propose son « aide ». Les Portugais refusent tout en bloc, mais il va leur falloir retourner au pays du réel. Voyez les questions militaires communautaires, externalisées au sein de l’Otan, ce machin qui permet à chacun des participants d’exhiber les biscoteaux qu’il n’a pas, et de transférer mauvaise conscience et addition aux Américains – qui ont les moyens d’assumer leur mauvaise réputation. Enfin, qui avaient les moyens. Le psychodrame d’hier sur la question libyenne démontre qu’une entreprise politique n’a d’existence réelle que sous la double contrainte de produire une volonté argumentée, et de pouvoir mobiliser les ressources appropriées. Pour mériter le beurre, l’argent du beurre et les faveurs de la fermière, mieux vaut être propriétaire du sol. Et ne pas avoir externalisé l’exploitation.

La recette du jour

Menu du businessman moderne

Vous avez parfaitement assimilé les canons gestionnaires de l’entreprise contemporaine. Vous pilotez votre multinationale virtuelle à l’ombre des cocotiers. Tant que les Chinois usinent, que les Indiens comptabilisent, que les Anglais négocient et que les Occidentaux achètent, vous êtes un nabab. Priez pour que les uns et les autres continuent de croire que vous servez à quelque chose.

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