Grèce : agonie stationnair

Grèce : agonie stationnaire

Les hommes politiques ne sont pas les seuls à prendre des libertés avec le réel, dans leur communication au quotidien. Ce n’est, du reste, pas très important : désormais, rares sont les citoyens qui accordent un crédit spontané à la sincérité du discours public. Mais il ne faut pas s’étonner si les médias sont soupçonnés de véhiculer davantage de propagande que d’information authentique. Car leur activité consiste, pour une large part, à reproduire les dépêches livrées par les agences de presse. Dont le contenu se limite, le plus souvent, à la transcription de communiqués et déclarations officiels, à des morceaux choisis de discours tendancieux ou au script d’interviews convenues, le tout mâtiné de quelques touches d’ambiance supposées rendre « vrai » ce paysage virtuel. Une version des techniques de la réalité augmentée, en usage au cinéma et dans les jeux vidéo. Où l’information de synthèse se superpose à l’information réelle, au point d’en transformer complètement la perception.

On en découvre ce matin un spécimen caricatural, repris in extenso par plusieurs publications économiques en ligne. Le papier concerne la Grèce, dont l’état général constitue un sujet de préoccupation légitime pour la Zone euro tout entière. L’article débute ainsi : « La Grèce et ses bailleurs de fonds internationaux sont d’accord » - le lecteur respire à la perspective de l’apaisement des relations entre le pays et ses créanciers. La suite douche un tantinet les espérances : «  (…) d’accord pour estimer que la contraction du PIB sera de 4,0% cette année et non de 4,2% comme prévu jusqu’à présent ». Voilà donc la bonne nouvelle : la récession grecque pourrait cette année être légèrement moins pire que redouté jusqu’alors. Il est vrai que jusqu’à maintenant, les récessions successives (ce sera la sixième cette année) ont toujours été plus graves qu’anticipé. Et la deuxième bonne nouvelle, c’est que le budget primaire (avant service de la dette) pourrait être proche de l’équilibre. C’est-à-dire que les nouveaux emprunts d’Athènes ne serviront plus qu’à payer… les intérêts de la dette ancienne. Ce qui devrait se poursuivre jusqu’à la fin des temps, vu que l’Etat a déjà tellement laminé ses dépenses que l’on s’étonne de voir encore de l’éclairage dans les bureaux ministériels. Les bailleurs de fonds sont donc d’accord avec le gouvernement grec : l’agonie du pays est conforme aux prévisions. Ce qui laissera aux charognards le temps programmé pour dépiauter la bête. Une bonne nouvelle, assurément.

La recette du jour

Journalisme moderne

Vous avez eu l’idée saugrenue d’embrasser le métier de journaliste. Préférez le travail en agence : transmettez la photocopie des communiqués officiels et les fichiers audio des déclarations et interviews. Surtout, n’ajoutez rien : le monde est devenu si compliqué que vous ne pouvez pas le comprendre. Le lecteur non plus, mais de toute façon, il ne lit plus la presse.

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