Grève de la Trêve

Grève de la Trêve

Il y a des moments où l’on regrette que les traditions se perdent. Voilà pourquoi on en appelle à François – le Romain, s’entend, pas le Parisien – pour qu’il rétablisse une pratique consensuelle en vigueur au Moyen-Age : la Trêve pascale. Ce serait au moins une façon de démontrer que nos temps sont moins barbares que ceux de nos lointains aïeux, ce dont il est permis de douter, soit dit en passant. Car il semble bien que la grâce vaticane soit bloquée aux confins de l’Europe, où les rodomontades agressives et les provocations grossières s’accumulent. En même temps que les troupes et les impedimenta guerriers : tous les éléments ordinaires qui préfigurent un conflit ouvert. Les armées sont comme la liberté de la presse selon le Canard enchaîné : elles s’usent si l’on ne s’en sert pas. Une trêve eût été bienvenue pour soulager les passions furieuses qui ont débordé du chaudron ukrainien, une « zone pivot » dont le contrôle est essentiel en termes géopolitiques : la soustraire à l’influence du Kremlin, c’est sacrifier l’espoir russe de retrouver le rang international qu’occupait l’Empire des tsars – blancs ou rouges. L’enjeu est considérable et la détermination des parties inquiétante.

Jadis, la Trêve valait également en termes de chamailles intestines. Les féodaux rangeaient leurs piques et leurs rancœurs, qu’ils fussent ou non sensibles au risque d’excommunication. Rien de tel aujourd’hui, où notre Premier ministre avait opportunément choisi cette période d’apaisement supposé pour présenter sa feuille de route. Eh bien, c’est raté. Le vacarme est assourdissant, jusqu’au sein de ses propres troupes. On regrette ces temps silencieux où les cloches pascales s’envolaient le jeudi, pour ne rentrer que dans la nuit du samedi au dimanche – aimablement lestées des œufs en chocolat que les enfants recherchaient aux quatre coins du jardin. Désormais, les cloches font grève le jour protocolaire du déplacement. Elles survolent le territoire en rase-mottes et telles un vol de corbeaux, elles lâchent des fientes pestilentielles au lieu de friandises. C’est moins cool. Voilà pourquoi, en bonne cloche respectueuse des usages chrétiens, le billettiste s’envole derechef pour Rome. Et il s’abstiendra de tintinnabuler jusqu’à la fin de la trêve. Joyeuses Pâques !

La recette du jour

Compassion pascale

Quelle que soit votre sensibilité, vous êtes anesthésié par les options déroutantes du nouveau Premier ministre. Faites preuve d’un peu de compassion. Mettez à profit la trêve pascale : priez pour que le Gouvernement soit touché par la grâce, avant d’attaquer le gigot. Si vous n’êtes pas exaucé, il sera toujours temps, dès mardi, de reprendre piques et massues.

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