L'Argentine en défaut… de

L’Argentine en défaut… de ketchup

C’est reparti pour les frissons venus d’Argentine. Le pays dispose d’un important capital de sympathie auprès des Européens, qui y ont migré massivement jusque dans les années 1950. Principalement les Espagnols et les Italiens. L’Argentine a longtemps brillé par son opulence en Amérique du sud, grâce à ses ressources minières, son agriculture et son industrie. Avec pour corollaire la question incontournable de la répartition des richesses, à l’origine de longues et douloureuses alternances entre progressistes péronistes et dictatures militaires. Nous autres Français, fiers héritiers des Lumières et de la Révolution qui s’est ensuivie, sommes particulièrement sensibles à une telle épopée sociale. Nous nourrissons une affection spontanée pour le raffinement culturel des Argentins, leur quête d’égalité, leur Patagonie féérique, leur littérature résumée à Borges et leur pratique inimitable du tango, élevée au rang des beaux arts. Tous les Français sont amoureux de Buenos Aires. Tous, sauf ceux qui ont prêté de l’argent à son gouvernement.

Chacun se souvient de la méchante crise de 2001, le défaut sur la dette argentine et les privations endurées par les autochtones. Le lien entre le peso et le dollar fut abandonné et il fallut attendre 2005 pour qu’un accord soit formalisé avec les créanciers du pays, lesquels se firent écorner de l’essentiel de leurs capitaux. Ce bol d’air permit à l’Argentine de se refaire une santé par les exportations : les excédents commerciaux ont alors suffi au financement du pays. Jusqu’à ce que la crise de 2008, et le ralentissement économique mondial, viennent bouleverser la donne. Le gouvernement de Cristina Kirchner est-il coupable d’avoir pratiqué une politique économique inadéquate ? C’est ce que lui reprochent bon nombre d’experts. Qui ont peut-être raison, même si la réalité argentine est d’évidence assez complexe : il est difficile de comprendre qu’un Etat aussi richement doté, en ressources naturelles et en hommes, puisse être confronté à des difficultés profondes et récurrentes. A ce jour, les réserves de change de Buenos Aires sont épuisées ; le peso continue de dégringoler sur le marché des changes ; les prix s’envolent et les pénuries réapparaissent. Déjà l’année dernière, de mauvaises récoltes avaient raréfié la farine et les tomates – bases indispensables à la confection des empanadas, ces chaussons farcis qui sont à l’Argentin ce que le steak-frites est au Français. Encore que tous deux se soient apparemment convertis aux usages américains : chez nous, le burger passe en pole position des ventes de la restauration rapide. Et savez-vous à quelle privation le citoyen argentin est le plus sensible ? Si l’on en croit La Tribune, la population est sur le sentier de la révolte parce qu’il n’y a plus… de ketchup dans les McDo. Avec sa brioche, notre Marie-Antoinette est ridiculisée.

La recette du jour

Menu de crise monétaire

Vous craignez que de futurs désordres monétaires ne viennent compromettre nos importations. Adaptez votre alimentation en conséquence. Renoncez au burger-ketchup au profit du steak-moutarde. Vous ne manquerez de rien, tant que la France n’a pas vendu Dijon à Goldman Sachs pour éponger ses dettes.

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