La démocratie de la (...)

La démocratie de la houppette

Le lecteur assidu sait combien le billettiste savoure cette saillie d’un personnage de John le Carré : « En Suisse, il est interdit d’être pauvre, interdit d’être étranger et interdit d’étendre son linge aux fenêtres ». C’est la Suisse des années 50-60 qui est ainsi brocardée, mais la caricature n’a finalement pas pris une ride. Les interdits en cause ne sont pas réels – sauf peut-être celui concernant le linge –, mais ils transcrivent un vrai consensus implicite au sein de la population. Pourtant, le pays demeure, avec le Lichtenstein, l’un des rares Etats du monde à privilégier les instruments de la démocratie directe. Et à respecter les résultats de tout référendum d’initiative populaire, quand bien même seraient-ils contraires au politiquement correct ambiant. En témoigne la récente votation sur l’accueil des étrangers (des étrangers pauvres, s’entend), qui a soulevé des hoquets d’indignation dans l’Union Européenne. Laquelle s’est pourtant assise sur le vote de pas mal de ses citoyens, lorsqu’il a contrarié les vœux de la machinerie bruxelloise. Moralité : qu’elles soient directes ou représentatives, les démocraties contemporaines trimballent un méchant lot de casseroles. Car ce sont les sentiments humains les moins honorables qui finissent par façonner la loi commune.

Un tel constat devrait encourager à la prudence et à l’humilité, quand il s’agit d’analyser le régime politique de pays étrangers. Il semble bien que les commentateurs patentés se soustraient à de telles obligations et préfèrent entonner le clairon officiel de leurs gouvernements. Il en résulte une division du monde qui rend les questions géopolitiques accessibles au café du Commerce : d’un côté les pays qui se soumettent aux inaltérables vertus occidentales (le parti du Bien), de l’autre ceux qui refusent la vassalisation à nos dogmes de bastringue (l’axe du Mal). Ceux-là, il convient de leur casser la figure, voire plus, faute d’affinités. Pour peu, bien entendu, que les dommages collatéraux prévisibles ne soient pas trop douloureux. Le parti du Bien est courageux, mais pas téméraire. C’est sans doute pourquoi il n’a pas encore tenté de susciter une révolution printanière en Corée du Nord, un modèle de démocratie populaire où le président vient d’être réélu avec 100% des suffrages. Le consensus est tel que Kim Jong-un aurait imposé à sa population masculine l’adoption de la même coiffure que la sienne. Une double houppette en cime de palmier. Voilà qui va simplifier la vie des coupe-tifs locaux, qui avaient auparavant le choix entre dix coiffures différentes (dix-huit pour les dames). Selon quoi dans les démocraties populaires, on ne néglige pas non plus le culte de la compétitivité.

La recette du jour

Le look dénonciateur

Dans la société contemporaine, votre apparence vous définit plus sûrement que votre patrimoine génétique ou votre passeport. Ainsi, une barbe (courte) vous signale comme pro-américain (c’est la tendance du moment). Une coiffure en artichaut breton vous désigne comme hollandiste forcené. En ce moment, c’est un look plus dangereux que la double houppette de Kim Jong-un.

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