Espionnage : La mémoire

Espionnage : La mémoire dans le pot

Ouf ! Nous voilà rassurés. Les Américains peuvent cesser de faire leur kéké : nous autres Français avons également notre Prism. Ce sont deux cafteurs professionnels qui l’ont dénoncé dans Le Monde, avant de se retrancher aux Echos du Monde, le bar de la rue Vulpian dont le comptoir jouit de l’immunité diplomatique. Sont ainsi étalées en pleine page du quotidien les informations que la DGSE, bonne fille, a communiquées aux enquêteurs : il apparaît ainsi que de grandes oreilles collectent et compilent dans un grand pot toutes nos communications, tous les flux émis par les ordinateurs ou les téléphones, sur notre territoire et avec l’étranger. Et chacun des services intéressés par ces indiscrétions – le renseignement militaire, la sécurité intérieure, les enquêtes douanières et Tracfin – peut venir piocher, dans cette monstrueuse banque de données, les informations d’ordre strictement privé utiles à leurs investigations. Chapeau : notre administration mérite bien le label d’efficacité qui lui est accordé. Inutile de se creuser la cervelle pour se rappeler quand vous avez, pour la dernière fois, téléphoné à belle-maman : un simple appel à la DGSE et vous aurez même le détail des salades que vous avez débitées. Il n’est maintenant plus nécessaire d’encombrer sa mémoire. C’est drôlement chouette.

Tout ce dispositif ne manque pas d’intérêt pour traquer le délinquant, l’évadé fiscal ou le terroriste. Sauf si ce dernier, lecteur assidu du Monde, joue la prudence et préfère recourir au téléphone arabe ou au langage des sourds-muets. Mais évidemment, au-delà de la satisfaction de se savoir efficacement protégé, se posent quelques questions dérangeantes : quelles sont les procédures permettant l’accès au coffre-fort des secrets ? Qui dispose de la combinaison ? Comment s’opèrent les contrôles d’une utilisation loyale de cette machine à violer l’intimité du pékin ? Il semble bien que le système soit régi par le principe de l’autorégulation, celui-là même dont s’est prévalue la sphère financière pour commettre les méfaits que l’on connaît (et sans doute quelques autres restant à découvrir). Mais au fond, la situation décrite par les deux journalistes est plutôt cohérente : l’activité des Services secrets fait mauvais ménage avec la transparence. Mettez une commission de contrôle parlementaire sur le coup et vous pouvez dire adieu à la confidentialité : l’Assemblée nationale est la plus grosse usine à potins du pays. Il faut ainsi s’en remettre à la probité des utilisateurs et à celle de leurs maîtres du gouvernement. On peut donc être rassuré : tout le monde sait que notre classe politique brille par son exemplarité.

La recette du jour

Mission:Impossible

Vous ne pouvez échapper à la surveillance constante de tous les services de renseignement de la planète. Redoublez de prudence. Au téléphone, par mail ou par tweet, bannissez certains mots de votre vocabulaire : Al-Qaïda alerte les Américains, Dalaï-lama les Chinois, Pussy Riot les Russes et compte suisse les Français. Ce billet s’autodétruira cinq secondes après que vous l’aurez lu.

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