La valeur du prix (Nobel)

La valeur du prix (Nobel)

Facétieux, les jurés Nobel ? Ce n’est pourtant pas la réputation de la maison, qui ne compte que des gens très comme-il-faut, soucieux de ne pas faire de vagues et d’un naturel plutôt constipé. Pourtant, l’attribution du Prix d’Economie revêt cette année une saveur particulière. Trois lauréats se partagent le Prix, pour leurs «  analyses empiriques des prix des actifs », c’est-à-dire pour leurs contributions respectives à la compréhension de la formation des prix, tout particulièrement sur les marchés financiers. En cette période de volatilité extravagante du cours des titres, on en connaît beaucoup qui aimeraient comprendre la mystérieuse martingale qui préside à l’évolution des cours boursiers. Sont ainsi récompensés deux profils plutôt antagonistes : Eugene Slama, pape de la théorie de l’« efficience du marché » - le prix reflète à chaque instant l’information disponible et témoigne de la rationalité absolue de l’homo œconomicus sous sa casquette d’investisseur. Cette approche constitue le pilier de l’enseignement et le théorème fondateur de tous les modèles boursiers en exploitation. Robert Shiller, au contraire, est un prophète de la « finance comportementale », qui attribue un rôle déterminant aux passions plus qu’à la raison – et aux phénomènes de contagion qui en résultent, comme l’exubérance irrationnelle.

Le troisième lauréat, Lars Peter Hansen, est un statisticien talentueux qui a conçu les outils permettant de valider les deux approches contraires : un œcuménisme qui méritait à n’en pas douter la reconnaissance des Nobel. Mais Slama et Shiller sont au moins d’accord sur un point : la prévision boursière est un art difficile, pour ne pas dire une vaine ambition. « Lorsqu’on étudie l’histoire économique et l’histoire boursière, on s’aperçoit que les marchés n’ont jamais correctement reflété l’économie » déclarait Shiller dans une interview à Libération, il y a une dizaine d’années. Contestant ainsi les capacités d’anticipation généreusement attribuées aux marchés. Pour Slama, au contraire, le cours coté est la meilleure prévision qui soit. Même si elle change à la cadence frénétique de plusieurs valeurs à la seconde… Au vu des désastres enregistrés depuis le déclenchement de la crise financière, la théorie de l’efficience prête évidemment à sourire. Et les prétentions des prévisionnistes tout autant, qu’elles reposent sur des critères de rationalité ou sur des comportements contagieux. C’est que dans un cas comme dans l’autre, on s’obstine à vouloir déterminer une valeur transcendantale à un titre. Alors que – et l’approche de Slama est sur ce point imparable – la seule valeur d’une action est le prix coté. Même s’il n’y a pas plus d’efficience sur les marchés que de beurre en broche.

La recette du jour

Valeur de la patience

Si personne ne veut les acheter, c’est que vos valeurs n’ont pas de prix. Patientez jusqu’à ce que le marché devienne efficient pour faire fortune. Si vous ne voyez rien venir, postulez au Nobel d’Economie pour tromper votre attente.

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