Le dimanche de Constantin

Le dimanche de Constantin

Puisqu’il faut un responsable au psychodrame du travail dominical, autant le dénoncer tout de suite : c’est Constantin 1er. Oui, Flavius Valerius Aurelius Constantinus, le célébrissime 34ème empereur romain et le premier à avoir adopté le christianisme comme religion d’Etat. Celui qui a légalisé le dies dominicus – le jour du Seigneur – comme un jour de repos obligatoire et consacré aux dévotions. Si l’on en croit Edward Gibbon, éminent théoricien de la Chute de l’Empire romain, le christianisme aurait été un facteur décisif de la décadence, les populations étant alors plus soucieuses de conquérir leur droit au paradis futur que de respecter les vertus civiques du présent – celles qui ont façonné la stature d’airain du Romain. Notons aussi qu’Edward, qui n’était pourtant pas membre du GIEC, incrimina le changement climatique comme facteur du déclin – bien que les chars qui encombraient Constantinople ne carburassent pas encore au gazole –, ainsi que le coût prohibitif de l’entretien des armées, conduisant à une véritable inquisition fiscale pour colmater les brèches du budget. Bref, contrairement aux allégations de Céline, l’Histoire repasse les plats : l’outrance religieuse, la furie belliciste, l’incurie gestionnaire et les caprices de la météo continuent de menacer l’équilibre de la planète.

Et le dimanche, alors ? Les sondages sont formels : interrogés pendant qu’ils font leurs courses, les clients sont unanimement favorables à l’ouverture dominicale. Les salariés en poste également – surtout si leur chef est dans les parages. C’est la même logique que la pub du Loto : « 100% des gagnants ont tenté leur chance ». Sillonner les magasins étant la principale activité culturelle dans le pays, et pas seulement de la part des touristes, on veut bien parier que la prohibition du travail dominical sera bientôt levée. D’autant que la consommation est le premier commandement des évangiles gouvernementaux, pour sa contribution irremplaçable à la croissance du PIB. Pour satisfaire un consommateur que l’on se saurait décevoir, il faut bien qu’il y ait des travailleurs du dimanche. Ces derniers ne se plaignent pas de leur sort - ils sont mieux payés et sont volontaires pour sacrifier le jour du Seigneur. Alors pourquoi les syndicats sont-ils aussi farouchement hostiles à la légalisation du travail dominical ? Une réponse possible : si le dimanche devenait un jour de la semaine comme un autre, il y a un risque pour les employés des métiers de services (les transports en général, et les transports ferroviaires en particulier) de perdre primes et avantages attachés au service dominical. Le risque est réel, convenons-en. Voilà sans doute pourquoi perdure un système fait d’une prohibition de principe, assortie d’une myriade de dérogations plus ou moins arbitraires. Car les « forçats » du dimanche préfèrent le maintien de l’interdiction : elle rapporte davantage. Tel n’est pas le cas des fonctionnaires fédéraux américains : chaque jour est désormais pour eux un dimanche. Mais un dimanche sans solde...

La recette du jour

Le travail et le culte

Vous trouvez votre semaine de travail trop longue. Limitez votre activité au vendredi (Al jomo’a) dans un quartier musulman, au samedi (Shabbat) dans un quartier juif et au dimanche (Jour du Seigneur) en zone chrétienne. Votre salaire sera chaque fois doublé et il vous restera quatre jours libres pour manifester contre le travail pendant les jours saints.

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