Le quotient de sa moitié

Le quotient de sa moitié

On ne sait quand la révolution fiscale promise aura lieu, ni même si elle se produira un jour. Mais le moins que l’on puisse dire, c’est que cette perspective soulève quantité de propositions décapantes. Il ne fait pas de doute que le système en vigueur soit critiquable par sa complexité, ses incohérences, ses exceptions et ses niches. Il en résulte un phénomène compréhensible : les contribuables les plus prospères recourent aux spécialistes de la discipline pour minorer leur charge, le plus souvent par des moyens parfaitement légaux. En foi de quoi certains économistes, comme Thomas Picketty, dénoncent-ils l’injustice de notre régime, qui concourt à rendre l’imposition dégressive avec l’augmentation des revenus : les classes moyennes paient proportionnellement plus d’impôts que les classes (très) aisées. Ce qui est parfaitement avéré. Notre système porterait ainsi atteinte à la justice fiscale, au sens de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, qui pose le principe d’une contribution commune indispensable, « également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés  ». Donc, la progressivité de l’impôt doit aller de pair avec l’augmentation des facultés. Voilà ce qu’il en coûte d’avoir pris La Bastille.

On découvre maintenant, au travers du rapport récent de Séverine Lemière, que notre système fiscal serait un obstacle redoutable à… l’emploi des femmes. Ceci à cause d’un dispositif, jusqu’alors non identifié comme tel, mais qui est promis à un bel avenir médiatique : le « quotient conjugal ». On connaissait jusqu’à ce jour le quotient familial, expressément défini par le Code général des impôts afin d’adapter les contributions à la taille de la famille (au moyen des « parts » fiscales). Seulement voilà : ce calcul accorde une part complète au conjoint (marié ou pacsé), que ce dernier travaille ou non. Si bien que la mère au foyer permet de diviser par deux l’assiette taxable, ce pourquoi, sans doute, elle est appelée « la moitié ». La progressivité de l’impôt se trouve ainsi fortement érodée. Si l’épouse travaillait, son salaire se retrouverait intégralement taxé dans les plus hautes tranches d’imposition du ménage, réduisant d’autant le revenu net tiré de son travail. Non seulement les femmes gagnent moins que les hommes, mais le fruit de leur labeur se trouve massacré par le machisme fiscal. Pour que justice soit faite aux femmes, il faudrait donc renoncer au « quotient conjugal » en imposant chaque membre du couple comme un célibataire. Et inscrire le conjoint sur les listes de Pôle Emploi. Ce serait assurément une bonne affaire pour le Trésor, mais pas vraiment une avancée dans la justice fiscale…

La recette du jour

Célibat fiscal

Vous avez convolé en justes noces et votre épouse a accepté de prendre en charge l’intendance du foyer. Vous êtes un escroc en puissance, pour avoir bâti une famille dans le but exclusif de payer moins d’impôts. Avant que le Trésor ne vous ruine, divorcez promptement et confiez vos enfants à l’Assistance publique.

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