Le radar incognito

Le radar incognito

On ne s’y attendait pas, mais le fait est désormais avéré : les statistiques sont mauvaises. Oh, pas celles de l’économie : sans être lénifiantes, les performances de la Maison France continuent de réjouir les milieux officiels, faute d’enthousiasmer le pékin. Non, il s’agit des accidents de la route, qui ont fait plus de morts qu’attendu. En dépit de l’amélioration constante du réseau routier et de la sécurité des véhicules. Alors, qu’est-ce qui cloche ? Les conducteurs, bien sûr. En foi de quoi le Gouvernement a-t-il décidé de durcir la peine des contrevenants. Voilà peu, le barème du défaut de ceinture a été méchamment alourdi ; désormais, le téléphone au volant sera plus durement sanctionné et pour un gros excès de vitesse, on n’échappera que de justesse à la pendaison. Quant à l’alcool au volant, c’est devenu un vrai buvard à points : le verre d’apéritif surnuméraire condamne plus sûrement à la cirrhose du permis de conduire qu’à celle du foie. Comme dans la fable, votre grammage se rapporte à votre plumage. Mais une nouvelle mesure soulève des interrogations : les radars fixes ne seront plus signalés. Il s’agit pourtant d’une piqûre de rappel efficace pour encourager à la limitation de vitesse. Cette décision va donc renforcer la suspicion générale selon laquelle la prévention routière constitue un alibi pratique pour faire les poches du citoyen.

La technique du permis à points n’a pas fait la preuve irréfutable de sa pertinence. En Belgique, par exemple, son principe a été voté il y a plus de vingt ans. Pourtant, la mesure n’a toujours pas fait l’objet des décrets d’application appropriés, faute d’emporter la conviction. Le Royaume a toutefois, lui aussi, enregistré une hausse de ses accidents mortels. Ce qui n’empêche pas une voix officielle de réclamer le relèvement des vitesses maximales, afin de « garder des limitations réalistes ». Une telle requête n’est pas surprenante, car elle émane du Secrétaire d’Etat à la Mobilité, un portefeuille probablement destiné à favoriser le « bougisme », ce mode de vie symbolique de la modernité : peu importe que vous n’ayez rien à faire ailleurs, pourvu que vous y alliez. Sinon, vous risquez de passer pour un ringard de la pire espèce. Il y a donc au moins un pays en Europe où la politique est cohérente : puisque la norme citoyenne consiste à bouger, autant le faire le plus vite possible. On notera au passage que cette cohérence exceptionnelle apparaît dans le seul Etat de l’Union qui n’ait pas de gouvernement depuis un bon bout de temps…

La recette du jour

Conduite en sécurité

Vous êtes un citoyen épris de modernité : vous ne cessez de bouger. Mais vous êtes exposé aux rigoureuses sanctions de l’excès de vitesse face à des radars désormais camouflés. Optez pour la nationalité belge et placez-vous sous la protection du Secrétaire d’Etat à la Mobilité. Et si vous devez conduire bourré, demandez un sauf-conduit au Ministre des Vins et Spiritueux.

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