Philosophie à 5 centimes

Philosophie à 5 centimes

Que peut-on acheter en Suisse avec une pièce de 5 centimes (4 centimes d’euro) ? Même pas un carré de chocolat. Il n’est donc pas surprenant que la question de leur suppression revienne régulièrement au fil de l’actualité, tout comme, chez nous, celle des piécettes de 1 et 2 cents, qui coûtent plus cher à fabriquer que leur valeur faciale – sauf que quelques spécimens constituent un petit trésor pour les numismates (il est donc raisonnable de stocker la menue monnaie que vous rend le boulanger). En revanche, avec une benne de pièces jaunes, vous pouvez au moins faire le buzz sur la Place fédérale de Berne. Voilà quelques jours, 8 millions de pièces y ont été déversées (autant que de Suisses), pour attirer l’attention sur une initiative populaire qui sera prochainement débattue au Parlement : la création d’un « revenu de base inconditionnel », une rente à vie servie par la Confédération à chaque citoyen. 2500 francs (2000 euros) mensuels d’argent de poche : ce n’est pas vraiment suffisant pour buller à perpète sur les bords du Léman, mais permet d’agrémenter de fromage sa tartine de pain. La Suisse est « assez riche » pour s’offrir cette utopie, avancent les promoteurs du projet. Lequel sera retoqué par les élus, n’en doutons pas ; mais l’idée fait son chemin, ce qui n’est pas banal au paradis de la finance calviniste.

La question de la répartition des revenus et des richesses est condamnée à faire l’actualité pour un bon bout de temps, vu que les inégalités se creusent partout sur la planète. Et que les Etats se sont endettés au-delà de ce qu’ils peuvent raisonnablement rembourser. En foi de quoi le FMI vient-il de proposer de remettre les pendules à l’heure par des mesures radicales : le recours massif à l’impôt. Par une forte augmentation de la progressivité de l’IR – et donc une plus large imposition des « hauts revenus » (moindrement taxés que par le passé, il est vrai) -, ainsi que par une ponction exceptionnelle sur le capital. En une seule fois, bien entendu, promis juré. Une tonsure « à la chypriote » : on prélève sur les comptes ce qu’il faut pour colmater les brèches. La proposition se pare des atours de la justice contributive : chaque citoyen du monde participerait à due proportion de sa fortune. Mais ce serait une novation par rapport aux règles ordinaires du capitalisme : quand un débiteur est étranglé, ce sont ses créanciers qui se font éponger. Le surendettement souverain actuel supposerait donc que les Etats fassent défaut sur une large partie de leurs dettes respectives. Seulement voilà : se trouveraient alors massacrés les titres planqués dans les paradis et ceux détenus par le système bancaire (ainsi que par l’épargne du pékin, reconnaissons-le). De fait, la suggestion du FMI consiste principalement à mettre à l’abri les responsables du désastre actuel : les gouvernements et leur gestion catastrophique, les banquiers et leurs cabrioles spéculatives, les fraudeurs et leurs tricheries à grande échelle. Dame Lagarde en chevalier blanc d’un système nécrosé par l’incurie et la truanderie. Voilà qui n’est pas très reluisant.

La recette du jour

Perseverare diabolicum

Vous avez bâti votre prospérité sur la tricherie, le double langage, la tartufferie et l’exploitation de la naïveté de vos semblables. Mais votre fortune est aujourd’hui gravement menacée. Ne renoncez pas à la rouerie qui a fait votre gloire ; au contraire, ajoutez-en une louche. Si cela ne suffit pas, recourez à l’expertise du FMI.

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