Rachat par une société de

Rachat par une société de ses titres : quelle imposition ?

FISCALITE - Le rachat par une société de ses titres est dorénavant soumis, au titre de l’année 2014, au seul régime des plus-values. Le point sur le régime de taxation des sommes reçues dans ce cadre.

Jusqu’à une décision du Conseil constitutionnel du 20 juin 2014, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, coexistaient deux mécanismes de taxation du gain réalisé par un titulaire, personne physique, consécutivement à des opérations de rachat par la société émettrice de valeurs mobilières.

Le Conseil constitutionnel a considéré que « la différence de traitement entre les actionnaires ou associés, personnes physiques cédants, pour l’imposition des sommes ou valeurs reçues au titre du rachat de leurs actions ou parts sociales par la société émettrice ne repose ni sur une différence de situation entre les procédures de rachat, ni sur un motif d’intérêt général, en rapport direct avec l’objet de la loi ».
Dorénavant, sous réserve de modifications législatives à intervenir, le régime de taxation des sommes ou valeurs reçues au titre d’un rachat de leurs actions ou parts sociales est uniformisé.

Afin d’appréhender au mieux le régime fiscal applicable, il convient de préciser les conditions d’application des deux régimes d’imposition des sommes perçues par les personnes physiques dans le cadre d’un rachat de titres, dont la coexistence a fait l’objet d’une censure du Conseil constitutionnel.

D’une part, le régime de droit commun développé par la jurisprudence sur la base de l’article 109, 1 2° du Code général des impôts (CGI), applicable aux rachats de titres effectués dans le cadre d’une réduction de capital non motivée par des pertes et aux rachats par une société relevant de la législation d’un état étranger. Il s’agissait d’un régime hybride en vertu duquel les sommes étaient imposables au titre des revenus de capitaux mobiliers, avec une partie éventuellement soumise au régime des plus-values.

D’autre part, le régime dérogatoire de l’article 112-6° du CGI qui prévoit l’imposition des sommes uniquement au titre des plus-values lorsque le rachat est effectué en vue d’une attribution des titres rachetés aux salariés ou dans le cadre d’un plan de rachat d’actions par une société cotée.

Or, un régime pouvait s’avérer plus avantageux que l’autre.

D’une manière générale, le régime dérogatoire des plus-values de cession pouvait être plus avantageux pour le contribuable que le régime de droit commun, en raison des abattements pour durée de détention susceptibles d’être pratiqués sur la base imposable. C’est justement de ce régime que se prévalait le requérant à l’origine de la question prioritaire de constitutionnalité, arguant que la différence d’imposition, basée sur la procédure utilisée par la société émettrice pour racheter ses titres, était contraire aux principes d’égalité devant la loi et devant les charges publiques.

Quelles conséquences ?

Le Conseil constitutionnel a décidé de l’abrogation du régime de taxation au titre des plus-values pour les opérations de rachat réalisées à compter du 1er janvier 2015.

Par conséquent, à défaut d’intervention législative, le régime hybride sera seul applicable à toutes les sommes perçues par les personnes physiques, en cas de rachat de titres et ce, quelque soit la procédure utilisée par la société émettrice.

Ainsi, les sommes perçues seront imposables au titre des revenus distribués pour un montant égal à la différence entre la valeur de rachat et la valeur nominale, et éventuellement au titre des plus-values pour un montant égal à la différence entre la valeur de rachat et la valeur d’acquisition diminué du montant du revenu distribué imposable (Cf encadré).

Néanmoins et de manière surprenante, au-delà de l’uniformisation du régime d’imposition du gain de rachat, le Conseil constitutionnel a décidé d’appliquer aux opérations de rachat réalisées antérieurement au 31 décembre 2014, le régime de taxation des plus-values.

A défaut d’intervention législative, les sommes perçues avant le 1er janvier 2014 ainsi que celles perçues au cours de l’année 2014 seront donc imposables uniquement au titre des plus-values.

En pratique, l’application de la décision du Conseil constitutionnel aux opérations de rachat effectuées avant le 1er janvier 2014 justifierait que les personnes physiques ayant reçu des sommes entre le 1er janvier 2011 et le 1er janvier 2014 puissent déposer une réclamation contentieuse, pour obtenir la révision de l’imposition au titre des plus-values. Sous réserve, a minima, d’avoir vérifié que ce régime, au regard notamment de la durée de détention, leur aurait été plus favorable que celui des revenus de capitaux mobiliers.

Exemple

A titre d’illustration, prenons l’hypothèse du rachat de titres détenus par une personne physique depuis trois ans, ayant une valeur nominale de 100 000 euros, une valeur d’acquisition de 80 000 euros et une valeur de rachat 120 000 euros.

Avant la décision du Conseil constitutionnel et à compter du 1er janvier 2015, le gain réalisé sera ainsi imposable :

- fraction imposable aux revenus distribués : 20 000 euros (120 000 – 100 000) sur laquelle il convient d’appliquer un abattement de 40% , soit une fraction imposable égale à 12 000 euros ;
- fraction imposable aux plus-values : 20 000 euros (120 000 – 80 000 – 20 000) sur laquelle il convient d’appliquer un abattement pour durée de détention de 50% , soit une fraction imposable égale à 10 000 euros.
Le montant imposable au barème progressif de l’impôt sur le revenu serait alors de 22 000 euros.

Alors que devait s’appliquer, en 2014, ce régime de taxation, compte tenu de la décision du Conseil constitutionnel, le gain au titre des rachats de titres (dans les conditions de l’exemple) devrait être soumis à la taxation des plus-values :
- fraction imposable au titre des plus-values : 40 000 euros (120 000 – 80 000) sur laquelle il convient d’appliquer un abattement pour durée de détention de 50%, soit une fraction imposable égale à 20 000 euros.

Le montant imposable au barème progressif de l’impôt sur le revenu serait alors de 20 000 euros.

Par Charles DELAVENNE, Avocat associé

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