SNCF : la grève est (...)

SNCF : la grève est ponctuelle

Vous n’êtes pas encore au Brésil ? Dans ce cas, désolé pour vous, mais vous en serez réduit à suivre à la télé l’événement planétaire de l’année. Car les cheminots sont en grève et les chauffeurs de taxi aussi. Bon, d’accord : la ligne TGV Paris-Rio n’est pas encore opérationnelle, pas plus que l’autoroute, du reste. D’ailleurs, on s’étonne que les gouvernements concernés n’aient pas engagé les travaux d’infrastructure ad hoc, vu que rien sur cette planète n’est plus important que la Coupe du monde de football. Mais pour peu qu’elle s’étire en longueur, la paralysie des transports va donner au pékin un alibi défendable pour rester chez lui : l’industrie des écrans plats et des charentaises assorties devrait connaître un rebond significatif. Et dans le même temps, les personnels grévistes vont subir les foudres de l’opinion par médias interposés, ce qui est assez logique dès lors que le quotidien de beaucoup de gens va s’en trouver empoisonné, parmi lesquels d’innombrables aficionados du ballon rond.

C’est le projet de nouvelle réforme du rail qui pose problème. Une réforme qui démonte et remonte celle de 1997, qui avait institué l’éclatement des transports ferroviaires en deux entités : l’une en charge du transport proprement dit (la SNCF), l’autre en charge des infrastructures (RFF). Motifs allégués à l’époque : d’abord, assainir les finances pouilleuses de la SNCF par transfert d’une partie de sa dette à la nouvelle structure, comme au bonneteau. Ensuite, préparer la libéralisation du transport ferroviaire programmée au niveau européen, et voguer vers la privatisation intégrale du rail ainsi que l’asphyxie progressive du fameux statut du cheminot, qu’envient bien des salariés du privé et auquel les intéressés n’entendent pas renoncer (on comprend les uns et les autres). L’ennui, c’est que la division des taches entre entités concurrentes provoque plus d’embarras (et d’accidents) qu’elle ne génère de bienfaits. Et depuis lors, déficits et dettes ont continué de prospérer. La réforme envisagée consiste à reconstituer la SNCF d’antan, en créant un nouvel Epic dirigeant les deux existants, ce qui revient à donner une direction commune à deux établissements publics aux intérêts (financiers) opposés. Pour la cohérence, c’est indiscutablement une idée pertinente ; quant aux économies espérées, les syndicats craignent d’être la principale « variable d’ajustement » - et leurs craintes sont raisonnables. La morale de l’histoire est voisine de celle qui caractérise l’industrie nucléaire : tant que l’Etat garde la main sur des activités porteuses de risques mais relevant de l’intérêt national, on paie la sécurité collective au prix (élevé) qu’elle coûte. Mais si l’impératif de rentabilité se substitue à l’impératif de sécurité, il faut s’attendre à des dommages collatéraux. Graves, et quelquefois brétignyiens ou fukushimiesques.

La recette du jour

La batte ou la baratte

La doctrine dominante vous a habitué à exiger en même temps le beurre, l’argent du beurre et les faveurs de la fermière. Mais il semble que cette belle mécanique désormais se grippe. Commencez par mériter l’affection de la fermière ; avec un peu de persévérance, le beurre pourrait bien vous être offert de surcroît.

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