Sur les docks de Roland-G

Sur les docks de Roland-Garros

Quel est l’événement qui a le plus marqué l’année 1968 ? D’accord, c’est facile, mais on ne résiste pas à la tentation de donner la réponse : c’est la première année où le Tournoi de Wimbledon fut déclaré « Open », c’est-à-dire ouvert aux joueurs « professionnels ». Auparavant, les grands tournois internationaux étaient exclusivement accessibles aux « amateurs » : pas question de laisser l’argent pourrir ce noble sport, non mais. Les tennismen honorables devaient donc compter sur leurs ressources personnelles pour assurer l’intendance et, accessoirement, sur celles, hum, de la publicité. Déjà. Par exemple, l’immense Bill Tilden, qui fit vibrer les foules pendant près de trente ans, tira quelques subsides de la pub pour… une marque de cigarettes : M. Evin n’était pas encore né. Et aussi une pub pour des sous-vêtements, lui qui fut condamné à la prison pour sa propension à lifter le caleçon de ses jeunes et charmants partenaires de double – dont il exigeait d’eux, sur le court, qu’ils demeurassent dans un coin et ne s’occupassent de rien. Bill aimait jouer perso. Mais si son public l’adula pour sa capacité à servir avec quatre balles dans la main gauche, l’opinion américaine ne lui pardonna pas de jouer avec les deux balles de ses partenaires. Dans les années 20, les Américains étaient déjà très à cheval sur la comptabilité libidinale.

Si le niveau de jeu s’est considérablement élevé depuis, le spectacle est désormais beaucoup moins policé. Les hommes arborent volontiers des tenues de rappeurs et des comportements de gougnafiers. Certes, Gottfried Von Cramm sortait jadis de son sac un morceau de lard pour graisser son cordage, ce qui n’est pas très distingué pour un baron, convenons-en. Mais le boyau allemand était alors plus fragile qu’aujourd’hui – ce pourquoi les chats teutons ne mangeaient pas de légumes crus. Et chez les dames, vîtes-vous jamais Suzanne Lenglen lever un poing rageur après avoir gagné un point ? Tout au plus levait-elle une jambe gracile de sous son jupon, pour poser l’une des volées victorieuses qui lui ont valu sa réputation. Et jamais vous ne l’entendîtes ahaner sur chaque coup, comme c’est désormais devenu le must chez les dames – une mode inaugurée par Seles, si notre mémoire auditive est bonne. Maudite soit la Monica. On comprend la nécessité physiologique d’expirer après la frappe ; mais est-il bien nécessaire d’exhaler en même temps un râle dont la puissance s’étage entre l’aboiement du docker et le couinement de la lapine quand le lapin… enfin, pas besoin de vous faire un dessin. A ce rythme, vous verrez bientôt les dames de Roland-Garros se moucher d’un doigt et cracher à terre comme ces gueux de footeux. Finalement, on regrette le temps où les tennismen étaient des amateurs. Et les banquiers des professionnels – mais c’est une autre histoire.

La recette du jour

Retour aux fondamentaux

Vous avez longtemps pratiqué le tennis pour la noblesse du style et le fair-play de ses praticiens. Mais tout ça part en quenouille. Mettez-vous au jeu de paume, que votre ancêtre duc d’Orléans introduisit en Angleterre après avoir pris trois petits sets à Azincourt. Faites le serment d’y jouer long-vêtu et sans couiner. Si vous gagnez suffisamment d’adeptes, profitez-en pour rédiger avec eux une Constitution.

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