Un téléphone dans le (...)

Un téléphone dans le nez

Qui se souvient encore des temps préhistoriques, au cours desquels le téléphone était un instrument raccordé à une prise had hoc ? Un moyen de communication très efficace que l’on utilisait, par convention, sur une plage horaire compatible avec la vie privée : pas trop tôt le matin (Madame n’est pas encore éveillée), ni trop tard le soir (les enfants sont déjà couchés). La fixité de l’instrument autorisait tous les petits mensonges de confort : - Non, désolé, il est déjà parti au bureau ; - Navré, mais il fait son jogging ; - Ce ne sera pas possible : il est en voyages d’affaires. Oui, en Syldavie. Non, son hôtel n’est pas équipé du téléphone. Et au bureau : - M. Carreidas est en réunion, puis-je prendre un message ou préférez-vous parler à M. Spalding, son secrétaire ? Oui, bien sûr, il vous rappellera dès que son emploi du temps le permettra. De fait, avec un chouïa de mauvaise foi, le téléphone fixe constituait le seul contrat que Séraphin Lampion ne sut jamais proposer au capitaine Haddock : une assurance contre les casse-pieds. C’était cool.

Nous sommes désormais entrés dans l’ère de la mobilité, celle du « bougisme » laïc et obligatoire – comme l’école républicaine. Il en résulte que nul ne peut être dépourvu de cet instrument indispensable à l’homo mobilis, le téléphone cellulaire. Grâce auquel aucune excuse n’est plus admissible pour justifier d’être injoignable, sauf celle d’être sous la douche (vivement le cellulaire waterproof !) ou en phase d’ascension de l’Annapurna (vivement le piolet connecté !). Et si l’appareil reste muet, ou que le correspondant est un insomniaque avéré, demeure l’option du message comminatoire, le SMS. Qui autorise l’ultimatum en abrégé : le boss peut convoquer ses troupes dès potron-minet ou juste après les vêpres dominicales ; madame peut rappeler qu’il faut quérir un container d’eau minérale ; le gamin peut avertir qu’il dine chez son pote Edouard-Karim, prétendument pour réviser les maths. Mon œil. Voilà maintenant que la technologie du cellulaire vient de faire un pas supplémentaire dans l’offensive intrusive : il est désormais possible d’envoyer des messages olfactifs. Les inventeurs ont pour ambition de « changer la communication globale d’aujourd’hui », rien de moins. Non contents de recevoir des messages vénéneux et non désirés, il va maintenant nous falloir renifler les boules puantes que ne vont pas manquer de nous adresser tous les mauvais plaisants de la création. On ne voudrait pas se montrer trop scrogneugneu, mais la « communication globale », ça ne sent pas très bon.

La recette du jour

Communication métaphorique

Voici venir la Fête des Mères. Si vous êtes un réactionnaire désuet, vous rendrez visite à Maman avec un bouquet. Si vous êtes un fils moderne et branché, vous lui enverrez un SMS laconique parfumé à la rose blanche. C’est çà la communication globale, coco.

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