Le coeur aussi grand (...)

Le coeur aussi grand que l’assiette

En créant les « Restos du cœur », Coluche devait être bien loin de se douter que, près de 40 années plus tard, son initiative connaîtrait – hélas – un tel « succès ». Avant lui, l’abbé Pierre, avec Emmaüs, avait déjà soulevé des montagnes pour faire disparaître des bidonvilles et reloger dans des conditions plus décentes des familles entières.

Est-ce un hasard si, aujourd’hui, ces deux associations caritatives, qui ont surtout fonctionné grâce à la générosité des Français, connaissent de tels problèmes financiers qu’elles vont sans doute être obligées de réduire le nombre de leurs bénéficiaires ? « Nous allons devoir massivement dire non à des personnes que nous aurions pu accueillir avant l’inflation, et nous allons devoir réduire la quantité de ce que nous donnerons aux personnes qui rentreront dans nos critères  » a commenté avec inquiétude à la télévision Patrice Douret, président des « Restos ». Il chiffre à 150 000 le nombre des personnes qui ne pourront recevoir cet hiver l’aide dont elles ont pourtant besoin.

Les « Restos » ont accueilli 1,3 million de personnes en 2022, contre 1,1 million l’année précédente. Ces derniers mois, son budget pour les achats alimentaires a doublé. Sans être un comptable très expert, on se rend bien compte que cette progression n’est pas tenable. Pas mieux pour Emmaüs, dont les antennes sur les territoires lancent des appels à l’aide pour poursuivre leurs missions d’assistance et de réinsertion.

Voilà qui en dit long sur l’état de notre société de 2023. Un triste constat qui devrait fixer la feuille de route des priorités à nos politiques publiques. Devrait...

Car est-il moral de réclamer « toujours plus », ce mal si français, décrit il y a déjà longtemps par François de Closets ? De chipoter sur le maintien « indispensable » ou sur la suppression « inéluctable » de niches fiscales ? De subventionner à la fois le nucléaire et son exact opposé l’énergie « verte » ? De créer des polémiques aussi artificielles que stériles quand autant de personnes basculent, ici et maintenant, dans la grande précarité ? Nous voulons effectivement à peu près tout et son contraire, mais tout de suite...

La faim est bien présente dans nos villages et nos banlieues. Nous n’avons pas de solution miracle à proposer. Répondant à l’émotion populaire, le gouvernement a sorti le chéquier ainsi que la famille Pinault et l’équipe de France de foot, la ville de Nice, le Département 06, Côte d’Azur Habitat et d’autres aussi. En espérant que ce sera suffisant pour passer l’hiver.

On souhaite bon courage à tous ceux (du bénévole associatif au politique, en passant par le fonctionnaire, tous en première ligne avec le public) qui s’investissent pour soulager un tant soit peu ceux qui n’ont plus grand-chose dans l’assiette. Prendre conscience d’une telle situation, inimaginable à nos portes, est un indispensable préalable. Après, il faut qu’on…

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