
André Ostier et Hélène Delprat chez Maeght
- Par Marie Lesimple --
- le 24 mai 2025
Le photographe André Ostier et la plasticienne Hélène Delprat sont les hôtes de la Fondation Maeght. Une occasion de parcourir l’œuvre de ces deux artistes qui marquent notre époque de leur empreinte. Le premier occupe l’une des salles de la nouvelle extension inaugurée en juin dernier, la seconde se déploie largement sur tout le rez-de-jardin.
André Ostier est une figure discrète mais incontournable du XXe siècle pour la photographie. Sa vie artistique, qui ressemble à une épopée, a débuté véritablement chez Maeght : après avoir portraituré Aristide Maillol à Paris en pleine guerre, celui-ci l’envoie sur la Côte pour s’y cacher. C’est le graveur Aimé Maeght, qui s’est révélé être un excellent faussaire, qui lui fabriqua de faux papiers. Ses clichés valent autant pour leur intérêt historique que pour leur plasticité et leur esthétique. Ils révèlent la qualité des relations qu’il entretenait avec ses modèles de la scène artistique - Fernand Léger, Alberto Giacometti, Joan Miró, Georges Braque, Alexander Calder et Marc Chagall - tous défendus par la famille Maeght.
« Écoute, c’est l’éclipse »...
« Elle n’est pas trop gracieuse ». C’est le constat d’Hélène Delprat sur sa peinture, confession faite lors de sa récente venue à la Fondation de Saint-Paul-de-Vence. Faire plus ample connaissance avec cette figure de la scène artistique contemporaine est un privilège. Elle a été remarquée très tôt par les Maeght, alors qu’elle était encore toute jeune. Ses œuvres côtoyaient déjà celles des grands maîtres de la collection : « nous avons tout de suite compris la force d’Hélène », explique Isabelle Maeght. Le titre de son expo « Écoutez c’est l’éclipse » est emprunté à Alfred Jarry et annonce la couleur de cette puissante et comique noirceur. Il n’est guère surprenant d’apprendre qu’elle adule Thomas Bernhard. La seule image qu’elle possède chez elle, c’est le portrait de l’écrivain. Elle ne garde rien à la maison : « je n’ai aucun attachement à mon travail », confesse-t-elle.
Hélène Delprat, peintre à une époque où la peinture était remise en question, ne s’en tient pas à ce seul médium. L’exposition, très complète, montre une centaine d’œuvres de formats spectaculaires, des dessins, sculptures, films, photographies et céramiques. C’est une touche-à-tout dans sa pratique quotidienne, allant chercher son inspiration tous azimuts, depuis Piero della Francesca, jusqu’aux représentations minimales et conceptuelles d’Ad Reinhardt, en passant par le sculpteur et performeur Paul McCarthy. Elle élabore une sorte de livre d’heures, en détournant et contournant toutes sortes de sources.
Au détour d’une salle, on tombe sur son effigie, hyperréaliste, et nous nous trouvons face à deux jumelles parfaitement identiques qui créent le trouble. Cette sculpture suggère-t-elle que « je est un autre » ? Ce qui la guide, c’est « la contradiction avec moi-même ». Seulement, à force de se compliquer la vie en brisant systématiquement tout ce qui va trop de soi, en prenant les chemins buissonniers, en cherchant à échapper à elle-même, elle est allée jusqu’à fuir le succès. Qui la rattrape inexorablement. Une artiste qui observe publiquement : « le hasard me donne une audace que je n’ai pas eue ». Quelle sincérité !
André Ostier : Du 22 mars au 9 juin 2025