Chagall : Un puissant (…)

Chagall : Un puissant « Cri de Liberté »

La nouvelle exposition du musée Chagall à Nice complète, s’il est possible, le portrait d’un peintre qui s’avère être nettement plus politique que chacun peut le croire a priori.

Cet engagement ne va pas de soi dans l’esprit du public, l’art de Marc Chagall ne se résumant pas à des représentations oniriques, à des amoureux en lévitation, aux bouquets de fleurs et aux couleurs lumineuses. L’artiste a traversé deux guerres et un exil, et il est donc logique que son œuvre soit puissamment ancrée dans ce XXe siècle tourmenté. Cet accrochage « Le Cri de la Liberté » permet jusqu’au 16 septembre de découvrir cette nouvelle facette du créateur. Une exposition passionnante dans toutes ses dimensions artistiques, politiques et spirituelles.

Témoin de son temps

Face à l’histoire, les événements provoquent chez Marc Chagall des réactions et des réponses picturales immédiates. Il faut porter son attention pour une double lecture de ses œuvres, au-delà de cette poésie symbolique qu’on lui connaît. On trouve de la dérision, un humour lucide et caustique. On apprend à connaître le Chagall messager des droits de l’homme, poète de l’égalité et de la tolérance. Il évoque les solitudes vulnérables, met en scène des peuples en marche vers de meilleurs ailleurs. Les anges de couleur rouge de feu et de sang nous avertissent du danger. Les portraits ou scènes de la vie ordinaire de soldats partant au front sont traités de manière caricaturale, l’œil d’une génisse innocente s’avère être plus lucide que naïf.
Chagall est un témoin de son temps, et il s’exprime souvent de manière détournée. Ses armes sont ses pinceaux et ses crayons, ils vont droit au but. C’est donc très crûment que ce rendez-vous estival met en lumière un peintre dénonciateur de l’oppression du peuple juif, oppression dont il a été lui-même victime.
Les acteurs de cette exposition sont Ambre Gauthier, responsable du catalogue raisonné et des archives Marc Chagall, et Meret Meyer, la petite fille de l’artiste, co-présidente du comité Marc Chagall. Elles se se sont plongées dans les très riches archives du peintre pour en extraire des documents importants exposés dans les vitrines : lettres, discours, prises de position publiques, documents officiels en français, en yiddish, en russe. Le choix n’a pas été simple : il ne fait pas de doute que Chagall s’est battu pour la liberté. Les commissaires de l’exposition ont été chercher très loin des travaux puissants encore jamais encore vus en Europe.

Parmi ces œuvres très émouvantes, « Le Rabbin en noir et blanc, ou juif en prière  » arrive de Chicago. «  Le Bœuf écorché » provient de la collection particulière de Marc et Ida Chagall, et « La Solitude, ou la Vache blanche » a été extraite du musée des beaux arts de Tel Aviv. «  Purim » de celui de Philadelphie, « Le Marchand de journaux et le couple de paysans », autrement nommé « Départ pour la guerre » du Centre Georges-Pompidou . 

Cette exposition qualifiée « d’exposition-événement » a été coproduite par le musée La Piscine de Roubaix, et la fondation MAPFRE de Madrid.
Nice est la troisième et dernière étape de ce parcours, et le croisement de ce regard à notre collection niçoise du message biblique est doublement éclairant.

Marie LESIMPLE

Photo de Une : vue intérerieure de l’exposition au Musée Chagall de Nice ©M.L