Issei Suda, l'écho d'un

Issei Suda, l’écho d’un Japon qui disparaît

Issei Suda est un photographe encore inconnu des Français. Né en 1940, décédé en 2019, il fut le témoin d’un Japon qui s’est « déjaponisé » dans les années 70 alors que l’archipel connaissait un développement fulgurant. Considéré comme un artiste majeur dans son pays, on le découvre au travers d’une exposition monographique voyageant pour la première fois en France et qui fait
actuellement escale au Centre de la photographie de Mougins après un passage au centre d’art de GwinZegal à Guingamp.

Jérôme Sother, photographe de son état et directeur artistique du Centre de la photographie de Guingamp, en est le principal commissaire avec à ses côtés François Cheval et Jasmine Chemali. Ensemble, ils ont travaillé en collaboration avec la galerie Akio Nagasawa de Tokyo pour présenter les précieux tirages argentiques sur papier baryté réalisés sous le contrôle de l’artiste en 2012.
Les photos d’Issei Suda n’étaient connues que par leur publication dans des magazines. Au Japon comme d’ailleurs en Europe, la photographie ne s’est imposée dans les musées et les universités qu’au cours du dernier tiers du XXe siècle. Ces publications ont donc à elles seules contribué à la reconnaissance de l’artiste. Elles ont connu à l’époque un succès immédiat, au point que l’éditeur Asahi Sonorama a publié en 1978 une sélection de 100 clichés sélectionnés pour le livre « Fushikaden ». Trente-quatre années plus tard, un second livre préparé par Akio Nagasawa présente une série entière de 138 images. Le Centre de la photographie mouginois, qui poursuit la diffusion des cultures extra-européennes, ouvre avec cette exposition le troisième volet d’une trilogie japonaise débutée en 2021.

La modernité bouscule la tradition

Obanazawa Yamagata 1976 © SUDA ISSEI Works

Cette immersion dans le Japon d’après-guerre est passionnante. Elle montre les insulaires pris dans une croissance économique foudroyante, dans l’hystérie de cette modernité qui bouscule les traditions ancestrales, ouvrant certes les portes du pays mais provoquant une crise d’identité majeure. C’est ce témoignage que rapporte Issei Suda. On détecte immédiatement la tendresse et l’amusement avec lesquels il observe ses contemporains, que ce soit à Tokyo la trépidante ou dans les calmes provinces éloignées. On dirait ses clichés obtenus par hasard, dans des scènes de rue, parfois des paysages ou des végétaux, ou bien de simples effets de la lumière crue d’étés caniculaires. Il dessine avec son objectif un noir et blanc assez contrasté, cueillant la poésie dans l’ordinaire et la banalité.
Qu’il fasse poser ses contemporains en les alignant sobrement devant son appareil argentique en moyen format, ou bien qu’il prenne des instantanés à leur insu, il obtient des images souvent pleines d’humour. Pour nous, ces photos ont une valeur documentaire. On peut leur prêter un pouvoir d’évocation quasiment historique, le reflet d’un monde qui disparaît doucement. Cette attention acérée portée aux détails insignifiants de la vie. N’est-ce pas un Japon intemporel qui est montré à travers ces tirages ?

À découvrir jusqu’au 08 juin 2025

Photo de une : Minato-matsuri Yamashita Park Yokohama Kanagawa 1976 © SUDA ISSEI Works