Truffes : C'est maintenant

Truffes : C’est maintenant le bon moment !

Et pourquoi pas une petite folie pour réjouir ses papilles ? C’est le meilleur moment pour déguster la fameuse Melanosporum qui pousse discrètement au pied des chênes et des noisetiers dans notre coin de Provence. Elle est « à point » jusqu’à la fin février, encore plus parfumée qu’à Noël.

Il faut compter 110 euros sur les marchés pour cent grammes de cet or noir. à ce prix, on peut régaler une dizaine de convives. Qui se souviendront longtemps de leur omelette à la truffe, de leur poularde « demi deuil », d’une coquille Saint Jacques rôtie, voire d’un tiramisu sur lesquels on aura épluché des copeaux... Mais les « rabassiers » la débitent aussi en plus petite quantité, sachant qu’une dizaine de grammes suffit amplement pour une assiette.
Il faut savoir ce que l’on achète. Car il y a truffe et truffe, comme pour le vin qui a ses grands crus et sa piquette. Les plus recherchées car les plus goûteuses sont donc les Melanosporum que l’on trouve en hiver, et les blanches d’Albe, qui sont « estivales ». Les autres - il y en a 70 espèces différentes dans le monde ! - sont certes des truffes au sens botanique, mais elles n’ont pas les mêmes qualités gustatives, loin s’en faut.

Cochon qui s’en dédit !

Sur la planète truffe, les Alpes-Maritimes ne sont qu’une toute petite étoile brillant faiblement avec ses 350 hectares cultivés, pour la plupart dans les Pré-Alpes de Grasse, sur des terrains calcaires favorables. Rien, ou presque, comparés aux 7 500 hectares exploités en Sud-Paca, et aux truffières d’autres régions comme le Quercy, le Périgord, le Comtat Venaissin. Mais quand même, notre sous-sol produit de ce champignon rare parce que capricieux.
Tout commence au printemps, avec le jeu libertin des spores, des mycorhizes et du mycélium qui donneront naissance en juin à des truffettes rose comme des fraises des bois et à peine grosses comme un grain de café. L’été et l’automne les verront grossir jusqu’à leur taille adulte. à cette période, les rabassiers espèrent les « orages du 15 août », gages de belles récoltes. à défaut, ils arroseront par aspersion autour des arbres « truffiers ».
Novembre est le mois du mûrissement. De décembre à début mars, c’est l’époque pour les passer à la casserole...

Tout cela est bien beau, mais comment les trouver ?

Sans un chien qui devra montrer des dispositions « innées » et qui sera spécialement éduqué (comptez trois ans), il faut pouvoir compter sur... une truie. De moins de 80 kilos, pour pouvoir la balader en laisse dans la forêt. Récompensez-la à chaque trouvaille par une belle pomme de terre. Surtout, ne prenez pas un Verrat, trop lourd et trop tête de... cochon : il n’aime pas partager sa récolte et sa mâchoire est redoutable.
Sans ces deux auxiliaires à quatre pattes, il vous faudra compter sur votre sens de l’observation : d’abord, vous remarquerez des « brûlés » autour des arbres producteurs, un rond de deux-trois mètres de diamètre où l’herbe ne pousse pas. Sinon, lors de vos
balades en forêt (car la truffe pousse aussi de façon « sauvage »), il vous reste à repérer la bestiole à six pattes, une petite mouche qui vient pondre ses œufs dans la truffe. Pour cela, mettez-vous à contre-jour et... bonne chance !
Ce qui n’est pas non plus gagné d’avance, c’est de se lancer dans la culture de la Melanosporum. Outre le sol qui devra avoir des qualités géologiques bien particulières, la patience sera de mise. Plusieurs années avant la première récolte. Comptez 250 pieds mycorhizés à l’hectare, apprenez à tailler spécifiquement, passez la herse pour aérer le sol, installez un système d’arrosage pour lutter contre les effets du réchauffement et croisez les doigts. Si tout se passe bien, votre truffière pourra produire pendant une
cinquantaine d’années, parfois moins, et parfois pas du tout !

32 arômes différents

« Si la production était facile, la truffe vaudrait le prix de la patate » philosophe Michel Santinelli, président du syndicat des producteurs truffiers des Alpes-Maritimes.
Sachez enfin que le séquençage du génome de la truffe n’a pas encore levé tous les secrets du diamant noir. Qu’il y a 32 composants dans l’arôme de ce champignon et pas du tout de truffe dans l’huile... « à la truffe », mais des produits artificiels qui ont le même goût.
Bonne dégustation !

Photo de Une : ©Richard Giles

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