
Vence : Les « photocalligraphies » de Frédéric Buchmann
- Par Marie Lesimple --
- le 8 février 2025
Frédéric Buchmann, plasticien promotion 2007 de la Villa Arson, est sorti de sa « caverne de Platon » pour présenter une partie de ses inépuisables cogitations sur la littérature, la philosophie, la poésie et le langage dans ce qu’il peut avoir de spontané et connecté à tout ce qui hante notre subconscient. Tout le monde peut s’y retrouver. « On n’a jamais vu ça » est une remarque qu’il s’entend dire régulièrement...
Ses œuvres actuelles sont des papiers photographiques de moyen format sur lesquels on peut déchiffrer des formules maladroitement écrites, ce qui ajoute à leur charme tout en provoquant chez le spectateur « une stimulante frustration ». Récemment, il a évolué vers des dessins figuratifs évoquant en particulier la femme, le sexe de la femme et des animaux faisant clairement référence à l’art pariétal.
As de l’escalade
Tout ceci demande des explications, mais avant, un bref portrait de l’artiste s’impose. En avant-propos sur son site, Frédéric
Buchmann se présente comme « un artiste créant des installations in situ évoquant souvent un aspect performatif dans des espaces difficiles d’accès ». D’abord formé aux sciences et à la chimie, puis aux sciences humaines, il explore ensuite à la Villa Arson pendant cinq ans d’autres champs des possibles, en testant tous les médiums et tous les concepts théoriques, sans jamais se plier à une pratique spécifique.
Il cherche à intéresser le public aux notions de verticalité à travers des objets-sculptures souvent ludiques et pénétrables (chez lui, les meubles s’envolent au plafond où ils sont fixés, bousculant la perception). Il faut donc lever les yeux pour y découvrir ses installations, parfois monumentales. Par exemple, comme cette balançoire géante pouvant supporter plusieurs adultes, accrochée aux immenses pins parasols de la Villa Arson et conçue comme une sculpture cinétique.
Cet as de l’escalade (il fut un temps cordiste professionnel) est aussi spéléologue : il explore les cavernes, connaissant les méandres du sous-sol du pays grassois, prenant le risque de s’y perdre. Il imagine, dans une mine désaffectée en Espagne, une installation de musique de percussions se créant naturellement par le simple phénomène de gouttes d’eau venant percuter des centaines de boîtes de conserve. Il crée des objets-sculptures souvent touchables, ludiques et pénétrables. Il réalise également des films surréalistes où sont convoqués Éole, Icare et Hadès...
Concept philosophique
Sa pratique actuelle, qu’il intitule « photocalligraphies », est un concept philosophique en soi. Ce néologisme désigne le résultat de sa démarche. L’idée consiste à balayer du papier photographique argentique avec le faisceau lumineux d’un pinceau optique. Il « écrit » ainsi sur le support qui sera ensuite développé comme le sont les clichés en noir et blanc. Une technique qui souligne « les erreurs, les difficultés de production, l’irréversibilité du geste, les efforts de lecture, liés à cette maladresse de production en aveugle ».
Ce qui nous fait vibrer, et que nous allons chercher dans l’art, c’est ressentir ce vertige, se trouver dans une situation de danger décent que la sensation du mystère procure.
Marie LESIMPLE