Vivian Maier crée le beau dans le banal
- Par Marie Lesimple --
- le 1er décembre 2024
La photographe Vivian Maier a construit, tout au long de sa vie, une œuvre qui n’a été découverte qu’après son décès survenu en 2009. De son vivant, personne ne connaissait son œuvre, restée dans l’anonymat de ses étagères, jusqu’à ce que John Maloof « tombe » sur un corpus de plus de 120 000 négatifs. Un véritable trésor, stocké dans 200 cartons au fond d’un garage...
Seul, il s’attelle au gigantesque travail de numériser chaque photo pour rendre justice à cette photographe de rue, restée sous les radars des institutions. Maloof obtiendra un Oscar pour son documentaire À la recherche de Vivian Maier. Cette découverte place Vivian Maier au rang des créatrices les plus importantes du XXe siècle. Portraits, autoportraits, scènes de rue, paysages citadins, un regard sur le monde de l’enfance, et finalement la découverte de la couleur : elle a tout photographié, en parfaite autodidacte et en sociologue qui s’ignore.
Un pan de sa vie est un mystère
L’histoire de sa vie peut être résumée facilement : née à New York, elle a passé une partie de son enfance dans le Champsaur, la vallée des Alpes françaises de sa famille maternelle, avant d’émigrer aux États-Unis. Elle a exercé le métier de nurse à Chicago pendant quarante années. Sa passion pour la photo lui est venue par l’intermédiaire d’une amie de sa mère, Jeanne Bertrand, une photographe professionnelle reconnue aux États-Unis.
On sait qu’elle a laissé, dans les familles auprès desquelles elle a vécu, un souvenir ambigu. Les enfants dont elle avait la charge lui ont conservé une grande affection, sinon une adoration, jusqu’à la considérer comme leur seconde mère, une sorte de Mary Poppins.
D’autres évoquent, à contrario, une tendance à la tyrannie. On connaît son visage, car elle jalonne son parcours d’autoportraits, reflets pris dans les glaces et les vitrines des rues. On sait seulement qu’elle a voyagé pendant six mois, sans en parler à personne, au Canada, en Égypte, au Yémen, en Italie, à Bangkok… Terminant cette traversée dans le Champsaur, où elle photographie ses habitants. Pour le reste, toute sa vie reste un mystère.
Quelles sont les raisons pour lesquelles un artiste creuse son sillon pendant toute une vie tout en restant dans l’ombre ? Son absence de vie personnelle et sociale est-elle volontaire ? Combien sont-ils encore, comme elle, à se cacher ? Est-ce par excès de modestie ? La peur de s’exposer à la critique ? Ce sont des questions à jamais sans réponse.
Il reste que Vivian Maier, photographe du quotidien et du banal, a saisi avec son
Rolleiflex la fraction de seconde capturée dans le théâtre de la rue. Elle nous en dit long sur la vie des anonymes, avec son regard particulier et ses cadrages déconcertants, ses images mises en abyme dans les quartiers populaires, sur les indigents ou les élégantes, les jeux d’enfants. Un témoignage crucial, en marge du rêve américain, au sein des grandes métropoles dans les années cinquante.
Marie LESIMPLE
ENCADRÉ