Expression : jusqu'où

Expression : jusqu’où peuvent aller les cinéastes sans risquer la "censure" ?

Il arrive parfois que les visas d’exploitation accordés par la commission adhoc du ministère de la Culture soient retirés ou limités par les juges.

Présomption d’innocence

Finalement, le tribunal a décidé que François Ozon pourra bien exploiter son film "Grâce à Dieu", malgré les actions intentées par des personnes mises en cause dans une affaire de pédophilie, qui ne sont pas jugées, mais dont le nom est cité dans le long métrage.
Au nom de la présomption d’innocence, elles réclamaient la non-diffusion du film qui a finalement pu sortir normalement mercredi dernier.

Interdictions ciblées

Ce n’est pas la première fois dans l’histoire récente du 7ème art qu’un réalisateur se retrouve à la barre pour défendre son droit à la création. Lars von Trier s’est ainsi vu retirer son visa d’exploitation pour son "Antichrist" tourné en 2009 et présenté à Cannes en raison de scènes de sexe explicites et non simulées et d’autres de "très grande violence". La cour administrative d’Appel de Paris avait estimé que le film devait être interdit aux - 18 ans.

Provocateur et récidiviste

Si Lars von Trier avait été attaqué par une association de catholiques proche des milieux traditionnalistes, pour le film d’Ozon le tribunal de grande instance de Paris a estimé que la diffusion en salle ne nuirait pas au procès des prévenus prévu cette année en principe. "Grâce à Dieu" raconte la naissance de l’association "La Parole libérée" fondée à Lyon en 2015 par d’anciens scouts abusés par un prêtre pédophile qui a fait 85 victimes recensées. Scandale dans le scandale, la hiérarchie du prêtre n’avait pas jugé opportun d’alerter la justice.

Bien-pensance...

La même association à l’origine de l’interdiction d’Antichrist avait aussi obtenu l’annulation du visa du film de Virginie Despentes "Baise moi" par le Conseil d’État (arrêt du 30 juin 2000) qui était pourtant assorti d’une interdiction aux mineurs de moins - 16 ans. Elle avait aussi obtenu
l’interdiction du film "Ken Park" de Larry Clark, Lars Von Trier, toujours lui,
a encore subi les foudres de la même association pour "Nymphomaniac" qui n’a finalement pas été classé X.

Procédure

Un certain nombre de films a été "retoqué" par la justice, non pas pour leur contenu, même s’il peut heurter des âmes sensibles ou des convictions notamment religieuses, mais pour de banales questions de procédure, par exemple lorsque la commission qui délivre le visa ne motive pas suffisamment sa décision. Ce qui fut le cas pour le Nymphomaniac dont l’accès a seulement été interdit aux - 16 ans.

Le documentaire publicitaire aussi...

La cour d’Appel de Paris a interdit à la SPA et à l’association L214 de diffuser un film dans le cadre d’une campagne visant à faire retirer des étalages des grandes surfaces de la viande de lapins issus d’élevages industriels. Les juges ont estimé que le film était de nature à tromper le spectateur, des scènes prétendument tournées en France l’ayant été en fait à l’étranger, et des "cinéastes" s’étant introduit dans des élevages sous de fausses qualités professionnelles, ce que les magistrats ont considéré comme "inadmissible". La caméra cachée est pourtant, sinon une preuve, du moins une pratique d’enquête fréquente pour les émissions d’investigation.

Liberté de création

Le 24 janvier 1975, le Conseil d’État a arrêté qu’une décision de restreindre la diffusion d’un film doit résulter de "l’absolue nécessité de concilier les intérêts généraux dont le ministre (de la culture, ndlr) a la charge avec le respect dû aux libertés publiques, et notamment la liberté d’expression".
Il n’empêche qu’au nom de la morale et de la lutte contre la pornographie
des films sont attaqués en justice alors qu’ils sont destinés à un public adulte et forcément consentant.
Car après tout chacun est bien libre d’aller les voir ou pas... grâce à Dieu !

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